Côte d’Ivoire : pouvoirs publics, avocats, ONG…appellent à une dynamisation de l’assistance judiciaire

La Fondation Friedrich Naumann en partenariat avec le Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH) a organisé une journée d’étude sur l’assistance judiciaire en Côte d’Ivoire autour du thème : « Quelles stratégies d’accès à la justice et d’efficacité de l’assistance judiciaire ? », le jeudi 25 août 2022, à  Abidjan.

L’objectif était de faire, dans une approche participative, un brainstorming sur l’état actuel de l’assistance judiciaire, notamment les conditions de sa mise en œuvre en vue d’apporter des solutions durables et mieux préparer les futurs projets pour l’appui à l’accès à la justice.

Lequel accès est, d’ailleurs, un droit fondamental consacré par la Constitution ivoirienne, en son article 6 alinéa 1, ainsi que dans plusieurs instruments juridiques régionaux et internationaux. 

De manière  générale,  « l’assistance judiciaire se définit comme  étant le concours apporté par l’Etat aux personnes indigentes et spécifiques, afin de mieux faire valoir leurs droits en justice. De cette définition découle celle du mécanisme de l’assistance judiciaire ivoirienne qui a pour but de permettre à  ceux  qui  n’ont pas  de ressources suffisantes  d’exercer leurs  droits en qualité de demandeur ou défendeur sans paiement de frais », fait savoir M. Klofanhan N’Golo Daniogo, directeur des affaires civiles et pénales au ministère de la Justice et des Droits de l’Homme. JOEPREMIER

Et dans notre pays, plusieurs lois en parlent. Le code de procédure civile, commerciale et administrative (articles 27 à  31), le code du travail (article 81.17) et le code pénal (article 109 en cas de constitution en partie civile, l’article 281 en matière de procédures criminelles, l’article 305 du même code(qui exige un avocat auprès de l’accusé à l’audience), l’article 427 et l’article 522, alinéa 5 etc également renchérissent cette disposition. 

Pour ce qui est du mode de fonctionnement, le degré abrogé de 1975 prévoyait un bureau unique chargé de l’assistance judiciaire. Mais l’unicité du bureau, rendant inefficace la procédure, a conduit les autorités du pays à  prendre un autre degré en 2016 créant des bureaux locaux au siège de chaque juridiction sur le territoire national, rapprochant ainsi l’assistance judiciaire de l’usager, selon le directeur des affaires civiles et pénales.

Cependant, souligne M. Klofanhan, il peut arriver que le demandeur n’ait pas gain de cause, s’il ne remplit pas un certain nombre de critères. Plus concrètement, « si dans l’analyse des dossiers d’un demandeur ; l’on découvre qu’il a des ressources financières suffisantes ou a fait une déclaration frauduleuse, l’assistance judiciaire lui sera refusée ou retirée en tout état de cause et à tout moment par le bureau qui l’a accordée même après la fin des instances et procédées pour lesquelles elle a été accordée », explique-t-il. Elle s’applique à tous les litiges portés devant toute juridiction. Et également aux actes des juridictions gracieuses et conservatoires. 

Dressant un bilan sur la période du 1er octobre 2020 au 31 juillet 2022, l’Homme de droit a confié que 638 décisions ont été accordées en matière d’assistance judiciaire. Il s’agit de 106 admissions sur 118 requêtes reçues du 1 octobre 2020 au 11 janvier 2021 et 532 admissions sur 555 requêtes reçues du 12 janvier 2021 au 31 juillet 2022. A ces chiffres s’ajoutent, au titre des tribunaux criminels, au moins 694 décisions rendues, avec une assistance obligatoire en la matière, sur près de 800 personnes.

« L’assistance judiciaire, malgré les difficultés, est une réalité », a-t-il déclaré, seulement qu’elle a besoin d’être renforcée par une hausse du fonds alloué.  Il le faut car, pour lui, la justice n’est utile que si elle est accessible à tous. Surtout que c’est une aide que l’Etat accorde à tout demandeur dont les ressources financières sont insuffisantes pour s’offrir les services d’un conseil d’avocats.

« L’assistance judiciaire est une nécessité incontournable. Si elle n’avait pas existé, il aurait fallu l’instituer. Comme elle existe, il faut la redynamiser car elle permet à beaucoup  de citoyens de faire valoir utilement leurs droits en justice. Elle réduit les inégalités sociales, ainsi que les conflits qui peuvent en résulter », a clamé M. Klofanhan. 

Pour Me Gouaméné Hervé,  président de l’association des avocats ivoiriens pour les droits de l’Homme(AIDH), l’Etat ne peut pas tout faire seul. « Nous devons l’accompagner à rendre ce mécanisme encore plus performant avec l’implication des avocats, notaires, commissaires de justice, députés, partis politiques, de la société civile etc », a exhorté le président de l'AIDH. 

Mme Namizata Sangaré, présidente du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), a soutenu que l’accès à la justice pour tous est primordial à la construction d’un État de droit. « C’est donc un droit et non une faveur de l’État…», a-t-elle ajouté, soulignant l’appui du CNDH à 10 personnes, ayant bénéficié d’une assistance judiciaire cette année. CNDH

De son côté, Dr Jo Holden, directeur Afrique de l’Ouest de la Fondation Friedrich Naumann, a salué les efforts du gouvernement à la mise en œuvre de cette aide, garantissant à  toute personne d’avoir accès à la justice. « En tant que fondation politique, nous sommes sensibles aux reformes du secteur de la justice et droits de l’homme ; et convaincus qu’avec l’engagement de tous les acteurs du système judiciaire ce secteur connaîtra une amélioration. (..)  Notre place est aux côtés de l’État et les acteurs pour contribuer à consolider l’état de droit et la démocratie, pouvant améliorer la vie en Côte d’Ivoire (…) », a laissé entendre Dr Jo Holden. JOE1

Pour les défis à relever et perspectives, les participants ont fait des recommandations entre autres la sensibilisation sur la méconnaissance du mécanisme de l’assistance judiciaire auprès de toutes les couches sociales, l’adoption d’un nouveau texte sur l’assistance judiciaire  pour tenir compte de l’évolution du droit et de la justice, la disponibilité des fonds pour les honoraires des avocats et leur redynamisation considérable, rendre moins complexe le processus d’assistance judiciaire etc. 

 

 

Auteur: Daniel Coulibaly

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