Côte d’Ivoire-Législatives 2016 : « Yas», le défi du destin national sur un fil

Qui est-elle ? Que veut-elle ? Où va-t-elle ? Yasmina Ouégnin. Ou tout simplement « Yas » pour ses sympathisants. A 37 ans la jeune députée de la commune de Cocody à l’est d’Abidjan, se présente pour un second mandat à l’hémicycle. Mais cette fois-ci sans le soutien ni le parrainage (du moins officiel) de sa famille politique, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA). Qui a préféré ne pas la reconduire sous sa bannière.

 

Esprit libre

Évidemment, il fallait s’y attendre. Elle-même s’y attendait. Car les prises de positions de Yasmina Ouégnin depuis son élection n’ont jamais été en phase avec celles de son parti. Ou encore, avec les positions du groupe parlementaire de son parti. Une formation qui participe pourtant à la gestion au sein du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP, coalition au pouvoir).  Mais « Yas », malgré tout, a gardé sa ligne et reste fidèle à sa réputation d’« esprit libre », qui sait dire « non » quand tous les autres disent « oui ». Traitée d’indisciplinée pour ces détracteurs, de brave pour ses admirateurs, elle n’en finit pas de faire couler encre et salive. A la Constitution de la troisième République, Yasmina a dit « non ». Idem pour la loi sur la famille qui coula, en 2012, le gouvernement Ahoussou, ainsi que pour les lois sur le statut de l’apatridie et la nationalité, l’appel de Daoukro.

Destin national

Au fil du temps, celle qui est restée la fille de son père, Georges Ouégnin, ancien chef du protocole d’Etat et puisant homme de réseau, a réussi à se faire un nom à elle. A se démarquer du lot, si bien qu’il est aujourd’hui impossible à un ivoirien lambda d’aligner au hasard dix noms de parlementaires de son pays sans citer celui de Yasmina Ouégnin.  En fin tacticienne, elle a su s’imprimer une identité qui la positionne d’ors et déjà pour des prétentions à un destin national. Et c’est en fait tout l’enjeu que représentent ces législatives pour l’avenir politique de la députée sortante de Cocody.

Sur un fil

En effet, en cas de victoire de sa liste, Yas aura l’avantage de renforcer son capital sympathie auprès des populations, des frondeurs du PDCI, mais plus largement auprès de nombreux Ivoiriens. Ce qui justifie déjà quelque crainte dans les Etats-majors chez certains prétendants au fauteuil présidentiel pour 2020. Elle pourrait en effet, en profiter pour faire basculer un beau monde en sa faveur, lancer un mouvement ou (pourquoi pas) un parti politique. Ou encore, revenir au PDCI par la grande porte, au cas où le projet du parti unifié RHDP n’aboutit pas, afin d’y occuper une place d’influence pour le futur. Tout compte fait, Yasmina sera alors présente dans le jeu et il vaudra mieux faire avec elle. Elle peut même lorgner plus tard la mairie de sa commune pour en devenir député-maire.

Pour des observateurs avertis, elle se prépare plutôt pour 2025. Et là, elle peut compter sur « Papa » Ouégnin, son premier soutien mes aussi son propre relationnel.

Par contre, une défaite aux législatives risque de compliquer la trajectoire de cette ambition de la jeune parlementaire. Certes, on peut s’accorder avec ceux qui pensent qu’elle a encore le temps de revenir en 2020, mais aussi son affichage très radical contre tout ce qui vient du pouvoir ne lui a pas fait que des admirateurs. Dès lors, ses ambitions nationales, qui la projettent en « première femme présidente de la République de Côte d’Ivoire », évoluent sur un fil de rasoir. Qu’à cela ne tienne… Papa a certainement un plan B dans son escarcelle.

 

Abdoul Razak Dembélé

Auteur:
Armand Tanoh

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