Au Burkina Faso, le parti de l’ex-président Blaise Compaoré est divisé. Un congrès organisé les 18 et 19 décembre 2021 a révélé des dissensions internes profondes. D’un côté, l’aile « futuriste » incarnée par Eddie Komboïgo, qui a été réélu pour un mandat de quatre ans, à la tête du parti. De l’autre, l’aile « historique » du CDP, qui conteste la légitimité de ce leader et lui reproche d’avoir organisé un Congrès contre l’avis de Blaise Compaoré. Sept vice-présidents, fidèles à l’ex-président, ont été suspendus du parti pendant six mois. Achille Tapsoba fait partie des sept vice-présidents sanctionnés par le Congrès. Au micro de Bineta Diagne, il donne sa version de la crise qui déchire le parti.
RFI : Vous avez été suspendu six mois au sein du CDP, est-ce que vous comptez toujours rester au sein du parti ?
Achille Tapsoba : Je suis désolé, mais je ne suis pas suspendu. C’est plutôt le président Eddie qui fait l’objet d’une suspension, que nous avons prononcée depuis le 17 décembre 2021 à l’issu d’une délibération du bureau exécutif national, bien avant la tenue de son congrès.
RFI : Le président élu Eddie Komboïgo insiste sur un point : il a été élu, selon lui, à l’unanimité des congressistes la semaine dernière, il a la légitimité du CDP.
AT: Nous avons estimé que le président Eddie a convoqué le congrès en ne respectant pas les statuts du règlement intérieur de notre parti et c’est faire donc un forcing pour aller à un congrès qu’il n’avait pas en fait le droit de convoquer.
RFI : Vous parlez de forcing, mais est-ce qu’en interne vous avez épuisé toutes les voies de recours avant de vous adresser à la justice ?
AT : Les statuts sont clairs, le président d’honneur, le président Blaise Compaoré a la possibilité de convoquer tout organe ou toute instance qu’il souhaite convoquer pour l’intérêt supérieur du parti. Ayant constaté qu’il y a une situation conflictuelle au sein du parti, le président Blaise Compaoré a convoqué, le 17 décembre, une réunion extraordinaire du bureau exécutif national qui devait donc se pencher sur la question de la convocation. Le président Eddie devant présider la réunion, ne s’est pas présenté. Le parti avait l’obligation de recueillir ses orientations, comme c’est stipulé dans l’article 2 de cette résolution prise par le 7e congrès. On devait lui parler, le président Eddie avait l’obligation de recueillir les orientations du président d’honneur, le président Blaise Compaoré, par rapport à l’organisation du congrès, par rapport à toutes les thématiques qui devaient être traitées dans le Congrès. Il ne l’a pas fait et c’est un manquement grave de nos statuts de règlement intérieur. Et c’est eu égard à ce manquement grave que nous l’avons suspendu à l’unanimité du bureau exécutif national, à la majorité absolue des membres du bureau exécutif national.
RFI : Donc, ce que vous demandez finalement à la justice, c’est de trancher et de demander à ce que Eddie Komboïgo ne soit plus président du CDP, c’est ça ?
AT : Nous nous sommes adressés au ministère en charge des Libertés publiques pour faire appliquer nos textes et que le ministère en charge des Libertés publiques puisse reconnaitre la validité de notre délibération, parce que c’est conforme à notre statut, et puisse récuser la validité de la tenue du congrès du président Eddie.
RFI : En l’état, le congrès organisé par le CDP a revu les statuts du président d’honneur, donc Blaise Compaoré, qui se retrouve sans aucune attribution. Est-ce que vous lui avez parlé depuis ? Qu’est-ce qu’il dit à ce sujet-là ?
AT : Nous estimons que ce congrès et ces délibérations sont nulles et d’une nullité. Et nous comprenons pourquoi le Congrès a été organisé aux forceps, c’était justement pour dessaisir le président Blaise Compaoré de son parti et le dépouiller de toutes ces attributions, changer le nom du parti pour le décolorer, donc lui faire perdre son identité originale. Bref, c’est tout faire pour que le parti ne porte plus les empreintes du président Blaise Compaoré. Et voilà, ça a été finalisé par ce congrès.
RFI : Qu’est-ce qui, selon vous, a attisé toutes ces divisions ? Est-ce que vous avez l’impression que depuis l’ouverture du procès sur l’assassinat de Thomas Sankara les choses vont de mal en pis ?
AT : Non, il n’y a pas de lien de cause à effet. Nous avons un parti qui s’est relevé difficilement des évènements de l’insurrection, qui s’est relevé difficilement de la période de transition, qui a connu beaucoup de contradictions internes. Et depuis l’avènement du président Eddie, les choses ne faisaient que s’empirer, c’est une des conséquences logiques de ce qui nous arrive depuis 2018, pratiquement, au sein du parti.
Source : Rfi
Le titre est de la rédaction
Auteur: LDA Journaliste