Liberté d’expression en Côte d’Ivoire-Aimée Zébéyoux : « Si on respecte les règles, il n’y a absolument pas de problème… »

Abidjan, la capitale économique ivoirienne, abrite la 6ème session de formation en Droit international des droits de l'Homme du 24 au 29 octobre 2022. Organisée par la Fondation Friedrich Naumann, en collaborateur avec ses partenaires la Fondation René Cassin (Strasbourg) et le Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH), cette session a pour thème : « Liberté d’expression et de réunion pacifique : quelle situation en Côte d’Ivoire ? ».


A la cérémonie d’’ouverture de cette session, Mme Aimée Zébéyoux, conseiller spécial à la Présidence de la République, chargée des Droits de l’Homme, a dit la leçon inaugurale sur le thème : « Liberté d’expression et de réunion pacifique : entre obligations de protection des droits de l’homme de l’Etat et les défis de sûreté publique ». Elle a indiqué que le gouvernement fait beaucoup d’efforts pour garantir la liberté d’expression et de réunion tel que stipulé dans les articles 19 et 20 de la Constitution 2016. L’ex-secrétaire d'Etat chargée des Droits de l'Homme a poursuivi pour préciser que les services publiques et privées; les associations (ONG, journalistes, les différents corps de métiers etc…) ; les partis politiques en sont bénéficiaires. Toutefois, a souligné Aimée Zébéyoux, cette disposition doit s’exercer dans un cadre formel qui s’impose à tous. Car, au-delà, tout citoyen s’expose à des sanctions prévues par la loi. « Chacun a ses droits et est libre de dire ce qu’il veut, mais on n’a pas le droit de dire des choses qui portent atteinte à l’honorabilité de quelqu’un. (…) Nous sommes dans un Etat de droit ; et un Etat de droit il faut respecter les règles. Si on respecte les règles, il n’y a absolument pas de problème… », a affirmé Mme Zébéyoux. «Les libertés d’expression et de réunion pacifique sont les pierres angulaires de la démocratie et des éléments essentiels à la jouissance de nombreux autres droits. Toutefois, étant donné qu’on est dans un Etat de droit, ces droits doivent s’exprimer dans le respect des restrictions qui leur sont imposées et prévues par la loi, à savoir la sécurité nationale, l’intégrité territoriale ou la sûreté publique, la défense de l’ordre public, la protection de la santé, de la réputation ou des droits d’autrui. », a soutenu la Magistrate.

S3Le Dr Jo Holden, directeur Afrique de l’Ouest de la Fondation Friedrich Naumann, a cité le dernier rapport de l’organisation non-gouvernementale américaine Freedom House sur l’index des libertés dans le monde. Ce rapport note une évolution des libertés en dent de scie ces dernières années en matière de liberté d’expression et de réunion en Côte d’Ivoire. En 2019, le pays était 51/100 pour tomber à 44/100 en 2020 et se stabiliser à 49/100 en 2021. « Cette situation n’est pas si différente dans de nombreux Etats ces dernières années mêmes dans les pays les plus avancées démocratiquement. Il nous faut donc agir ! Agir ensemble avec les pouvoirs publics, les citoyens, la société civile, les avocats, le corps préfectoral, les magistrats, les fonctionnaires pour que les libertés soient protégées partout, en tout temps et en tout lieu et par tous les moyens démocratiques », a-t-il exhorté, ajoutant que le droit à la liberté d'opinion et d'expression et à la liberté de réunion et de manifestation pacifique est essentiel pour la dignité humaine et la jouissance de nombreux autres droits, ainsi que pour la promotion de la paix et du développement.

De son côté, Sébastien Touzé, directeur de la Fondation René Cassin, a peint un tableau peu reluisant de la liberté de la presse à travers le monde. Se basant sur un rapport de Reporters Sans Frontières, il a confié que 49 journalistes ont été tués dans le monde depuis le 1er janvier 2022 et 524 sont emprisonnés à ce jour. « Cette liberté d’expression inhérente à l’idée démocratique se trouve ainsi remise en cause piétinée causant ainsi à une limitation évidente du débat démocratique. Ceci est d’ailleurs le but assumé de ces « démocratures » qui n’ont que comme seule aspiration la disparition d’une opinion publique susceptible d’avoir les données nécessaires pour comprendre leur illégitimité et de les contester », s’est-il indigné. Estimant que le débat démocratique est l’affaire de tous et chacun doit pouvoir le nourrir et y participer activement. C’est pourquoi, tuer, emprisonner ou blesser pour contrer les idées ou les opinions est le pire crime contre la démocratie, contre le droit et contre les libertés…

Ingo Herbert, Ambassadeur de l’Allemagne à Abidjan, a invité les puissances mondiales à plus d’engagement dans la protection des droits humains et de la liberté individuelle et sociale contre les oppressions.

Quant à Mme Namizata Sangaré, présidente de la CNDH, elle a salué cette session de formation délocalisée à Abidjan, constituant une aubaine pour les participants d’appréhender de meilleures stratégies visant à assurer une efficience application du régime de la liberté d’expression et de réunion pacifique dans notre pays. « Le contexte africain suggère que le respect des libertés d’opinion, d’expression et de réunion soit appréhendé comme une question d’intérêt national, dans le sens où il constitue un élément d’appréciation du dynamisme démocratique et de la bonne gouvernance dans nos pays. (…) Il s’agit d’un défi énorme, qui incombe à toutes les composantes de la société », a-t-elle ajouté.S2

Au total, a expliqué Magloire N’Dehi, chef de bureau de la fondation Friedrich Naumann Abidjan, 67 participants dont 20 femmes et 47 hommes prennent part à cette formation. Ils viennent de l’Afrique Centrale (Cameroun, Congo etc), de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Bénin.etc.) et du Nord (Tunisie, Maroc) avec onze (11) nationalités. Huit (8) experts (Professeurs) issus de la Côte d’Ivoire, de la France, du Maroc et du Bénin traiteront le thème central et quatre (4) conférenciers pour les huit modules. A la fin de la session, il aura une évaluation des auditeurs sanctionnée par une remise d’attestations de réussite ou de participation.

 

Auteur: Daniel Couibaly

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