Afrique francophone-Crimes de guerre: vers le jugement des auteurs des violations du droit international humanitaire

Le Comité régional  du CICR(Comité international de la Croix-Rouge)-Abidjan a organisé du 05 au 08 septembre 2016, une consultation régionale d’experts comprenant des juges et magistrats des pays de l’Afrique francophone sur le respect du droit international humanitaire(DIH). L’objectif était de mieux comprendre et de renforcer le rôle de ces derniers dans l’application, l’interprétation, la mise en œuvre et le respect du DIH. Le ministre ivoirien de la Justice, Sansan Kambiré, et celui des Affaires étrangères, Albert Mabri Toikeuse, ont pris part à cette rencontre qui s'est tenue à Abidjan. 

 

Droit international humanitaire et fondements juridiques

Le droit international humanitaire se présente comme un ensemble de règles qui s’appliquent en cas de situation de conflits armés, que ce soit un conflit international ou non international et qui vise pour des raisons humanitaires à limiter les méthodes ou moyens de guerre que peuvent employer les parties belligérantes, et aussi à protéger les victimes (les populations civiles, les blessés et les malades).  

Le constat est que le respect du DIH demeure un défi pour la plupart des pays africains qui ont été ou encore sous le poids des conflits armés, et dont les violations sont qualifiées de crimes de guerre. 

Les magistrats sont donc appelés à juger de la situation et à déterminer s’il y a culpabilité du détenu et éventuellement imposer une sanction. 

Malheureusement, les fondements juridiques contre ces crimes que juge la CPI (Cours pénal international) n’existent pas dans les lois de la plupart de nos pays africains.

C’est pour en arriver à  cette étape de sanction, et surtout déterminer le rôle des magistrats africains dans le processus de la mise en œuvre du DIH  que le CICR s’est donné la tâche d’initier une consultation régionale d’experts sur le respect du droit international humanitaire à Abidjan. 

La nécessité d’outiller les magistrats

La consultation a permis aux différents participants de mieux appréhender la problématique du DIH. Si tous sont d’accords pour des sanctions contre les auteurs des violations les plus graves du droit international humanitaire, ils se rendent à l’évidence que la question du fondement juridique pour les décisions des juges reste un frein au processus.   

A ce niveau, lors des travaux de clôture de cette rencontre régionale le jeudi 8 septembre 2016, le ministre ivoirien de la Justice Sansan Kambiré a relevé la nécessité d’outiller nos magistrats pour mieux leur permettre de jouer leur partition dans cette lutte contre l’impunité des violations massives des droits humains. C’est pourquoi, il a suggéré une intégration du DIH comme un module dans les curricula de formation dans nos écoles de magistrature. « Si nous souhaitons nous Africains juger les crimes de guerre, il nous faudra commencer par mettre nos législations respectives en conformité avec le Droit international humanitaire, afin de mettre à la disposition des magistrats des fondements juridiques pour leurs décisions », a soutenu M.  Kambiré, soulignant que l’Etat de Côte d’Ivoire a déjà lancé la machine à travers la reforme du code pénal et le code de procédure pénal en cours. Avant d’exhorter les participants à être les défenseurs du DIH, sans manquer de remercier le CICR pour cette initiative.  

De son côté, le représentant régional du CICR, Jean-Jacques Tshamala a exprimé sa satisfaction pour la réussite de cette concertation régionale, soulignant les facteurs qui ont contribué, à savoir: le degré de participation et la qualité des panelistes, modérateurs, rapporteurs et présidents des  différentes sessions, etc. Il reste convaincu que les conclusions de cette consultation serviront de base du développement et au renforcement des activités du CICR avec le secteur judiciaire. 

Avis de participants

Juste à la fin de cet atelier de renforcement des capacités quelques participants se sont prononcés sur lé déroulement de cette rencontre. 

Dr Marie-Louise Tougas, conseillère juridique régionale de la CICR-Afrique de l’Ouest : «(…)En Afrique francophone, on a, malheureusement, plusieurs pays qui font face à des situations de conflits armés(Mali, la Centrafrique, la RD Congo, etc). Ces violations sont nombreuses, c’est pourquoi, il est impératif d’œuvrer à mieux faire connaitre les règles du droit international humanitaire et aussi à assurer leur respect. Ainsi, le CICR travaille avec les différents acteurs impliqués les porteurs d’armes (militaires et groupes armés), les autorités étatiques et les magistrats. Nous avons constaté que dans plusieurs pays africains les magistrats n’ont pas reçu nécessairement une formation sur le DIH, ce qui fait que face à une telle situation ils ne sont pas tous outillés de la même façon pour juger. C’est donc sur cette base et aussi de la demande du secteur judiciaire que le CICR a initié cette consultation régionale afin de développer des outils de formation pour mieux faire contre le DIH et aussi du rôle des magistrats quant à son respect, surtout que la menace de sanction joue un rôle dissuasif. Ce qui implique que les magistrats ont un rôle important dans la mise en œuvre du DIH…».

« L’objectif était d’avoir la capacité nécessaire sur le droit international humain pour l’appliquer de manière satisfaisante à toutes les situations de violations du DIH…», a dit le juge Mamadou Badio Camara, président de la Cour suprême du Sénégal.

La concertation a aussi enregistré, comme conférenciers, le juge Theodor Meron, président du mécanisme pour les Travaux pénaux internationaux, ancien président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie(TPIY), juge Sefon Moussa de la Côte d’Ivoire, Mme Emmanuelle Ducos, vice-présidente chargée de l’instruction et coordinatrice du Pôle crimes contre l’humanité…, le Colonel Somari Fundi Gaston, Avocat Général des Forces armées de la RDC, et le Colonel Mvondo Akoutou Jean-Legrand, directeur de la Justice militaire du Cameroun.

Pour rappel, le CICR a initié cette consultation régionale avec le partenariat de l’OIF (Organisation internationale de la francophonie), les ministères ivoiriens de la Justice et des Affaires étrangères.

16 pays de l’Afrique francophone dont le Cameroun, le Togo, le Congo, le Gabon, le Sénégal, le Mali, la Guinée-Conakry ont répondu à cette invitation. Elle avait pour thème général: « Les magistrats et le droit international humanitaire en Afrique francophone.

 

Daniel Coulibaly

 

 

 

Auteur:
Armand Tanoh

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