Côte d’Ivoire-Second procès de Simone Gbagbo: les avocats de la partie civile et la Défense s'empoignent. Les raisons

Au 9ème jour de son procès devant la Cour d’Assises, dans l’affaire qui l’oppose au ministère public, Simone Ehivet Gbagbo, l’ex-première dame ivoirienne, a encore pris la parole devant les juges mercredi 8 juin 2016 pour se défendre, répondant aux questions relatives aux faits qui lui sont reprochés: « crimes contre l'humanité, crime contre les populations civiles... ». Elle s’est défendue comme d’habitude. Mais le procès a été renvoyé au lundi 13 juin 2016 à cause d’une pièce présentée par les avocats de la partie civile contre l’accusée, et qui n'a pas été communiquée aux avocats de la Défense. 

Entrée dans la salle

Comme on a l’habitude de le voir sur les images photos ou vidéos, Simone Gbagbo a fait son entrée dans la salle d’audience à 10 heures 16 mn avec le sourire. Vêtue d’une robe en pagne, avec un échappe au cours, les cheveux méchés, elle a salué toute l’assistance. Sans manquer de serrer la main de ceux qui sont venus la soutenir : Ses camarades de lutte du FPI-Tendance Aboudramane Sangaré : Danon Djédjé, Marie Odette Laurignon …. Des policiers, des gendarmes commis pour la sécurité ont été salués.  

La « Dame de Fer » touchée, mais pas couchée

Contrairement à ce que l’on dit dans la presse pro-Gbagbo ou  sur les images et bien d’autres supports visuels présentant une dame en bon point, celle qu’on surnomme la « Dame de fer » est touchée, mais pas couchée. Physiquement, elle a maigri. Depuis 2011, elle a bien perdu de la force. Et cela se perçoit dans sa démarche. A 67 ans, elle n’est plus la jeune femme de 40 ans ou de 45 ans. C’est bien une Simone Ehivet qu’on pourrait dire fatiguée qui se présentera devant la Cour d’Assises durant un mois. Cela laisse comprendre clairement pourquoi son plus jeune avocat Me Dadié lui tient tout le temps la main. Pas qu’elle ne peut pas se déplacer toute seule, mais elle a besoin d’une main. D’une aide. Et elle a choisit celle de son avocat. En plus de ce que Me Dadié soit son avocat, il pourrait être aussi son fils. On pourrait aussi interprètait cette main comme la bonne relation entre une mère et son fils. Et rien d’autre.

Pendant le procès

Bon déroulement : Simonne Gbagbo s’est tenue à répondre à toutes les questions mais n’en devrait pas posées, comme lui a signifié le juge président. Même si quelque fois certaines questions l’agaçaient, elle repondait avec beaucoup d’assurance, mais aussi avec des hésitations. Les avocats de la partie civile ont dénié à Mme Gbagbo Simone le titre de « 1ère dame honorifique», comparée à d’autres premières dames telles que Mme Houphouët, Mme Bédié, Mme Dominique Ouattara qui sont des «1ères dames honorifiques » pour l'Accusation. La partie civile reproche à Simone Gbagbo d’avoir fait de la politique pendant qu’elle était au Palais présidentiel contrairement aux premières dames suscitées. Par conséquent, elle n'est pas une "première dame honorifique". Mais elle a donné une réponse à la mesure de la question : « J’étais militante du FPI avant de devenir 1ère dame. Ce n’est pas après le mariage que je suis devenue politique », s’est-elle défendue. Avant d'ajouter: " Mme Houphouêt a créé nDAYA pour aider, Mme Bédié Servir, Mme Dominique Ouattara aussi...". Sur un document soulignant son implication dans une affaire d’achat d’armes en Israel, elle a reconnu le document qui lui a été présenté mais a rejeté avoir été impliquée dans cette transaction. Et le procureur général a sorti un autre document qu'il dit avoir trouvé à son domicile mais adressé au ministre de la Défense de l'époque sous le régime Gbagbo. « Un document qui m’est pas adressée comment voulez-vous que je donne des explications », a-t-elle réfuté.   Sur le charnier de Yopougon, l’ex-première dame a dit avoir eu connaissance lors d’une visite à des blessés dans un hôpital quand un blessé lui a dit qu’il y a des corps dans la forêt du banco. Mais l’information avait été déjà rendue publique par une dépêche de l’AFP. A ce niveau Mme Gbagbo a confié que les dispositions ont été prises depuis la présidence pour identifier les corps, mais cela n’a pu être possible. Ces corps n’étaient pas des personnes de "même religion, même ethnie, même région...", comme l’affirme avec certitude l’Accusation, fait-elle remarquer. « Sur les corps, il n’était pas écrit que celui-ci est baoulé ou dioula ou autre», a-t-elle dit. « Les ¾ des corps ont été enterrés dans des fosses communes comme des personnes anonymes, parce qu’elles n’ont pu être identifiées ». a-t-elle précisé. Une autre affaire relative à une Association dénommée « Panthère noire » qui sollicitait son aide financière a été évoquée. Dans cette affaire plusieurs personnes du camp Ouattara dont le ministre Hamed Bakoyo ont fait du lobbying afin de ralier ce groupe à leur cause, selon le contenu du document lu pendant l'audiance. Des hommes de médias étaient parmis. Ce groupe de jeunes combattants basé à Gagnoa voulait le soutien financier de Simone Gbagbo a confié, toujours selon le même document pour défendre la patrie. Mais Mme Gbagbo ne se souvient pas de les avoir reçus. Autre fait, selon l’accusation l’artiste Serges Kassy a mené des activités contraires à son titre de chanteur au village Rasta et dans le Port de Vridi Cité. « Je connais Serges Kassy comme un chanteur. Je ne suis pas informée de tout autre activité qu’il menait », a-t-elle répondu. De même pour M. Damana Pikass dont elle dit ignoré ses activités.

Pourquoi le procès à été suspendu ?

Tout est parti d’une pièce contre l’accusée(Mme Gbagbo) que les avocats de la partie civile disent avoir retrouvée au domicile de cette dernière. Et selon les faits, ce document l'accuse d’avoir mis en place une cellule de « ramification de la Peste ». C'est-à-dire selon l’explication d’un avocat de la partie civile, il s’agissait d’éliminer tout ce qui ne soutienait pas le pouvoir de Laurent Gbagbo pendant cette crise post-électorale. Un document que les avocats de l’accusation disent ne porter aucune signature. Alors de ce fait, les avocats de la défense ont vigoureusement protesté contre cette attitude de leurs collègues. Non seulement, ils constactent qu'ils n'ont pas l’entièrement des pièces relatives au dossier, mais on leur présente des documents non signés. Et un débat houleux va générer entre les avocats de Mme Gbagbo et ceux de la partie civile. Le juge président s’est aussi mêlé. L’un des avocats de l'ex-première dame ivoirienne a saisi cette aubaine pour dénoncer une vice de procédure. Et ceci lui a valu d’être traité par le Procureur général d '«Excité ». Toute chose qu’il a refuté avec véhémence. « Je ne suis pas excité, mais sachons utiliser les mots ». Avant que le collectif d’Avocats de l’ex-première dame ne demande une suspension du procès. 

C’est sur cette contestation de la Défense de l'épouse de Laurent Gbagbo et après avoir consulté les deux parties que le juge président a décidé de renvoyer le procès au lundi 13 juin 2016. Le temps de permettre à la Défense d’avoir l’entièreté de tous les documents relatifs au dossier. Il était midi passé.

«(..) Nous sommes allés voir le parquet général pour avoir toutes les pièces du dossier. On nous a rassurés que toutes les pièces étaient transmises. Malheureusement,  nous avons constaté qu’il y avait d’autres pièces dont nous n'avons pas eu connaissance. Le problème, c’est que les pièces ne nous ont pas étés toutes communiqués et même si elles avaient été, c’est après examen que peut débatre. Or le Procureur général a dit qu’il a communiqué une partie et c’est après que le reste des pièces devrait venir. C'est clair que des pièces nous ont été cachées. Alors on ne peut faire un procès contre Mme Gbagbo pour des pièces qu’elle n’a pas eu connaissance, surtout que celles-ci semblent avoir été prises chez elle à la maison(…) C’est donc du pure droit qu’on a demandé qu’on nous communique ces pièces pour que le procès soit équitable. Et nous avons fait un courrier pour ça», a expliqué l’un des avocats de Mme Simone Ehivet Gbagbo, juste à la suspension du procès.   

Dans l’affaire Simone Gbagbo contre le ministère public, déjà condamné à 20 ans de prison l’an dernier pour « atteinte à la sûreté de l’Etat »,  elle est cette fois jugée pour «crime contre l’humanité, crime contre les prisonniers de guerre, crime contre les populations civiles» durant la crise post-électorale de 2011 qui a fait officiellement 3000 morts.

Celle qu’on surnomme la « Dame de Fer » pour ses détracteurs ou affecteusement « Maman » pour ses partisans est sérieusement ébranlée, mais semble affichée une sérénité face aux accusations. 

Le procès reprendra le lundi 13 juin 2016 au Palais de Justice d’Abidjan.

 

Auteur:
Daniel Coulibaly

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