Violences, impunité, crimes : quand Abidjan renoue avec la "loi de la rue"

Un jeune homme, présumé criminel, chef d’une bande d’adolescents appelés "microbes" qui sèment la terreur depuis quelques années à Abidjan, en s’attaquant à la machette à de d’innocentes personnes. Il était connu sous le pseudonyme "Zama". Arrêté par des forces de l’ordre, menotté, puis abandonné à la vindicte populaire. Il est lynché à mort par la foule en colère, révoltée, puis découpé en morceaux avant d’être brûlé sous un tas de pneus. Tel a été le sort de "Zama" le mardi 14 avril 2015.

Au grand soulagement des populations riveraines qui, légitiment, poussaient un soulagement après des années de psychoses et de terreur à cause aux agressions sanglantes à eux infligées par le gang des "microbes". Mais aussi, au grand mépris des droits de l’homme. Une scène qui rappelle encore les atrocités de la crise ivoiriennes, marquée par des exactions de tous genres, où la rue régnait en maître absolu et épargnait ou arrachait la vie à qui elle voulait. La rue, c’est cette foule sans esprit. Cette troupe sans leader. Ce groupe, qui n’est guidé que par un seul instinct : la violence.

Hier, durant la crise postélectorale, des ivoiriens ont tué et brûlé d’autres ivoiriens ainsi que des étranger sous le seau de l’"article 125". Un supplice du feu qui consistait brûlé vifs les victimes, soupçonnés d’appartenir au camp politique adverse. Fini la crise. Mais la barbarie poursuit sa route dans les cœurs et les esprits de certains ivoiriens.

Début 2015, la Côte d’Ivoire a été marquée par un inquiétant et répugnant phénomène d’enlèvements et assassinats répétés d’enfants, créant une psychose généralisée. Un fléau que l’Unicef avait même condamné à l’époque, appelant des mesures de protections des enfants dans le pays. Si les autorités ivoiriennes et les populations se sont hermétiquement dressées contre se phénomènes, cela n’a pas empêché des personnes, agissant en groupe, de se faire justice. Ainsi, très souvent, d’innocentes personnes, soupçonnées d’être des "enleveurs d’enfants", ont été l’objet de lynchage à Abidjan tout comme à l’intérieur du pays. Au moins victimes de ces lynchage a trouvé la mort. Des agissements qui ont fini par s’estomper avec leur condamnation ferme par les autorités qui ont appelé au calme, et sévèrement mis en garde contre les débordements.   

Aujourd’hui, avec le lynchage à mort de "Zama", qui déjà arrêté et menotté aurait dû être remis à la justice, interpelle sur la réalité des droits de l’Homme dans la conscience ivoirienne. Comment peut-on assister à une telle scène sans que personne ne réagisse ? Autorités, société civile, précisément les organisations de défense des droits de l’Homme, élus locaux d’Attécoubé où les fait se sont déroulés, hiérarchie des forces de l’ordre… aucune réaction !  

Au moins, on aurait pu annoncer une enquête au sein de la police pour situer les responsabilités et voir ce qui n’a pas marché pour que le suspect se retrouve à la merci d’une foule révoltée, après son arrestation. Juste pour faire bonne figure aux yeux du monde. Mais rien de tout cela. La loi de la rue, qui consiste à se rendre justice, va-t-elle toujours régner en Côte d’ivoire, ce pays fraichement entré dans le cercle des nations ayant aboli la peine de mort ? La justice ne peut pas ordonner la mise à mort du pire des criminels, mais l’Homme se donne le droit d’ôter la vie à l’Homme au mépris de la justice. Attention ! L’"émergence" ivoirienne est en train de se construire sans la culture des droits humains. Et dans un contexte préélectorale émaillé par des propos virulents de politiques de tous bords.  

 

Armand Tanoh

Auteur:
Armand Tanoh

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