Exclusif-Côte d’Ivoire/Présidentielle ivoirienne : Des craintes d'une (nouvelle) crise majeure, des solutions aussi (Rapport de l'ICG)

Abidjan, 03 août 2025 (LDA) – À moins de trois mois de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, la scène politique nationale bruisse d’une inquiétude familière : celle d’un scrutin potentielles lourd de tensions, aux allures de répétition d’une histoire récente encore douloureuse.

Le rapport n°318 de l’International Crisis Group, publié le 1er août 2025 sous le titre « Élection présidentielle sous tension : le paradoxe ivoirien », dresse un état des lieux préoccupant. Au cœur de cette nouvelle crispation : la candidature controversée du président Alassane Ouattara à un quatrième mandat.

Un climat tendu, une opposition à l’étroit

Alassane Ouattara a été investi le 29 juillet par le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), son parti, pour briguer un quatrième mandat présidentiel. Une candidature juridiquement valide car éligible selon la Constitution. Mais politiquement contestée par l’opposition.

Elle relance un débat devenu quasi cyclique en Côte d’Ivoire, entre respect des règles et perception d’un accaparement du pouvoir. Depuis 1995, aucun scrutin présidentiel n’a permis une véritable alternance pacifique. Celui de 2020 s’est soldé par 85 morts, et les signes d’une nouvelle crise s’accumulent, selon ce rapport consulté par La Diplomatique d’Abidjan (LDA, www.ladiplomatiquedabidjan.com) : absence de dialogue politique, exclusion de figures de l’opposition, désaccords persistants sur la Commission électorale indépendante, tensions autour de la liste électorale. 

La candidature de Ouattara intervient dans un contexte marqué par l’inéligibilité de quatre poids lourds de l’opposition : Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé, Guillaume Soro et Tidjane Thiam. Ce dernier, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), a été radié en raison de sa double nationalité franco-ivoirienne au moment de son inscription sur la liste électorale. Même s’il a renoncé plus tard à la nationalité française.

Selon le rapport de l’IGC, ces exclusions alimentent un sentiment d’injustice, fragilisent l’équilibre politique et laissent une opposition divisée, sans leader fédérateur. Seule Simone Gbagbo, à la tête du MGC, semble encore dans la course, bien que son audience électorale demeure limitée.

 [Lire ou télécharger l'intégralité du rapport ici ]

Le spectre du boycott, l’enjeu générationnel

Faute d’alternatives, certains partis menacent de boycotter le scrutin si leurs leaders ne sont pas réintégrés. Une posture qui pourrait accentuer l’abstention, notamment chez les jeunes. Le rapport du Crisis Group souligne une fracture générationnelle préoccupante : 75 % de la population a moins de 35 ans, mais à l’Assemblée nationale, un seul député est âgé de moins de 40 ans. Cette jeunesse, souvent reléguée au second plan, regarde la politique avec méfiance et lassitude, dans un climat de verrouillage perçu.

Les tensions internes se doublent d’un contexte géopolitique instable. Les relations entre la Côte d’Ivoire et ses voisins sahéliens se sont dégradées. Le président Ouattara accuse le Burkina Faso de mener des campagnes de désinformation, et des soupçons d’ingérences russes planent sur l’environnement électoral. Dans ce climat, la stabilité nationale devient un enjeu d’équilibre régional.

Une marge de manœuvre étroite, mais réelle

Face aux risques, l’International Crisis Group propose plusieurs leviers pour éviter une escalade. Il recommande un retour à un dialogue politique structuré entre le pouvoir et l’opposition, une révision ciblée de la liste électorale pour corriger certaines exclusions, une incitation des partis au réalisme en désignant des candidats de rechange, ainsi qu’une vigilance accrue sur les campagnes de manipulation de l’opinion. Surtout, il plaide pour un débat centré sur les priorités des Ivoiriens : emploi, éducation, justice, sécurité.

« À trois mois de l’élection, la Côte d’Ivoire peut encore agir pour ne pas répéter les erreurs du passé », conclut le rapport. Tout dépendra de la volonté des acteurs politiques de s’élever au-dessus de leurs intérêts immédiats. Plus qu’un test de légalité, 2025 sera un test de maturité démocratique. Et le pays n’a plus droit à l’erreur.

Armand Tanoh

Auteur:
LDA Journaliste

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