Les autorités tunisiennes ont renforcé leur répression des droits aux libertés d’expression et d’association à l’approche de l’élection présidentielle du 6 octobre 2024.
Une telle action intensifie le harcèlement des opposant (e)s politiques, restreignant le travail des journalistes, des défenseur (e) s des droits humains et des ONG et prenant des mesures portant encore davantage atteinte à l’indépendance de la justice.
Dernièrement, au moins 97 membres du parti d’opposition Ennahda ont été arrêtés les 12 et 13 septembre. Les personnes arrêtées ont été privées de contact avec leurs avocats pendant 48 heures et ont été présentées à la brigade antiterroriste pour être interrogées. Elles font l’objet d’une enquête pour des accusations de complot, entre autres, au titre de la loi antiterroriste.
Les autorités ont continué d’arrêter arbitrairement des personnalités politiques d’opposition et des défenseurs des droits humains, d’écarter des candidatures à l’élection présidentielle et d’ignorer les décisions de tribunaux administratifs ayant ordonné que les candidatures écartées soient réintégrées à l’élection présidentielle, et le système de justice pénale a été utilisé pour réduire au silence la dissidence pacifique.
Harcèlement d’opposants politiques
Le 1er septembre, les autorités tunisiennes ont arrêté Ayachi Zammel, l’une des personnes dont la candidature avait initialement été approuvée par l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), et l’ont accusé, au titre de l’article 161 de la loi électorale, d’avoir « fait des dons pour influencer les électeurs », à la suite d’allégations selon lesquelles il aurait payé pour obtenir des signatures de soutien à sa candidature.
Le 5 septembre, le tribunal a ordonné sa libération provisoire, mais il a été de nouveau arrêté alors qu’il était sur le point de quitter la prison plus tard dans la journée. Il a été conduit dans la région de Jendouba, dans le nord-ouest de la Tunisie, où il a fait l’objet d’une enquête et d’un nouveau mandat de dépôt liés à des accusations similaires. Depuis, d’autres plaintes ont été déposées contre lui et il est maintenant détenu au titre de cinq ordonnances de détention provisoire, toutes liées aux mêmes accusations.
D’autres personnalités politiques dont la candidature à l’élection présidentielle n’a pas été approuvée par l’ISIE continuent de faire l’objet de harcèlement judiciaire et, dans certains cas, de poursuites aboutissant à des condamnations. Le 5 août, un tribunal de première instance de Tunis a condamné cinq candidats potentiels à la présidence à huit mois de prison et à une inéligibilité à vie au motif qu’ils auraient « fait des dons pour influencer les électeurs ».
Le 8 septembre, la Cour d’appel de Tunis a confirmé la déclaration de culpabilité et la peine de deux d’entre eux, Abdellatif El Mekki et Nizar Chaari.
Répression des critiques et de la liberté de la presse
L’ISIE a essayé de restreindre la couverture indépendante de l’élection par les médias. Selon le Syndicat national des journalistes tunisiens, depuis la fin du mois de juillet, quatre stations de radio privées ont reçu des avertissements écrits de l’ISIE concernant des reportages et des commentaires diffusés sur leurs stations à propos du processus électoral. Le dernier cas en date concernait Express FM, qui a reçu un avertissement le 6 septembre concernant les propos tenus par une personne invitée à une émission au sujet des élections.
Radio Mosaïque FM a reçu deux avertissements de l’ISIE. Le 31 juillet 2024, l’ISIE a envoyé un avertissement, qu’Amnesty International a consulté, affirmant que les commentaires des journalistes Kaouther Zantour et Assya Atrous lors du « Midi Show » le 24 juillet constituaient une « insulte et une moquerie » de l’ISIE et du processus électoral. Selon la station, un premier avertissement lui avait déjà été adressé le 26 juillet sur le même sujet.
Le 20 août 2024, la journaliste indépendante Khaoula Boukrim, fondatrice du site d’informations en ligne Tumedia, a partagé un courriel qu’elle avait reçu de l’unité d’accréditation de l’ISIE. Le courrier l’informait que son accréditation avait été révoquée, ce qui a créé un nouveau précédent. Le prétexte invoqué par l’ISIE pour révoquer l’accréditation de Khaoula Boukrim était qu’elle avait manqué à « son devoir d’assurer une couverture médiatique objective, équilibrée et neutre du processus électoral » et qu’elle n’avait pas respecté le code de déontologie à cet égard.
Depuis 2022, les autorités ont procédé à des vagues successives d’arrestations visant des opposants politiques et des personnes considérées comme critiques du président Kaïs Saïed. Plus de 70 personnes, dont des opposants politiques, des avocats, des journalistes, des militants et des défenseurs des droits humains, ont fait l’objet de poursuites arbitraires et/ou de détentions arbitraires depuis fin 2022.
Des dizaines de personnes sont toujours maintenues en détention arbitraire en raison de l’exercice de droits internationalement reconnus, comme les droits aux libertés d’expression, d’association et de réunion pacifique.
Auteur: LDA Journaliste