Tout est possible, dit-on, quand la volonté y est. Un groupe de médecins ivoiriens vient d’effectuer avec succès les premières opérations de tumeurs du cerveau sans toutefois ouvrir les crânes des patients. Il s’agit de la neuro-endoscopie qui fait son entrée en Côte d’Ivoire. Une technique au confluent de l’endoscopie et la neurochirurgie.
De quoi s’agit-il ?
L'endoscope est une technique qui permet au chirurgien de voir l'intérieur d'un organe creux ou une cavité du corps par un tube flexible équipé d'une lumière et l'optique. L'accès est généralement à travers un orifice naturel ou d'une petite incision.
Aujourd’hui, la neuro-endoscopie est envisagée pour traiter les hydrocéphalies -maladie qui se manifeste par un excès de liquide dans le cerveau généralement chez les nouveau, entraînant un grossissement exagéré du crâne chez le patient- mais aussi des tumeurs situées dans les cavités cérébrales, en passant par les fosses nasales, ainsi que la tumeur d’hypophyse appelée adénome hypophysaire et lésions de la base du crâne.
Avec succès à Abidjan
Une équipe de praticiens avec à leur tête le Pr Abderehim Haïdara, chef de service de Neurochirurgie au CHU de Bouaké, a réussi ces jours-ci, dans une clinique de la Riviera 3 d’Abidjan-Cocody, a sauver au moins un patient d’une tumeur d’hypophyse, a révélé la télévision nationale RT1 le lundi 8 février 2016.
Dans la pratique, la tumeur étant placée en dessous de la boite crânienne, "nous allons passer par les narines pour atteindre cette tumeur", explique Pr Abderehim Haïdara, après l’application de l’opération sur un patient. "Habituellement l’opération de cette tumeur se fait par l’ouverture de la boite crânienne, ou on peut passer par d’autres voies qui peuvent s’avérer très délabrantes. Cette nouvelle technique consiste à retirer cette tumeur en passant par les fosses nasales avec un endoscope, donc c’est une vidéochirurgie", dit-il.
Réduction du coût des soins
Selon Pr Vincent Bah Zézé, chef de service de Neurochirurgie au CHU de Yopougon (Abidjan), également membre de l’équipe, cette tumeur, prise en charge en Europe, peut couter jusqu’à 20.000 euros (soit près de 15 millions de FCFA).
"Les évacuations qui se faisaient coûtaient à l’Etat ou aux assurances 15 millions. Hors, avec cette technique, avec trois ou quatre millions, on peut prendre en charge aussi efficacement ce type de tumeur", relève le Pr Vincent Bah Zézé.
Pour ces premières expériences, les praticiens ivoiriens bénéficient de l’appui du Pr Omar Diallo du Mali et du professeur slovène Roman Bosnjak, l’un des pionniers de la neuro-endoscopie au monde. Ce dernier, en dix ans de pratique, a déjà opéré plus de 500 patients avec cette technique, dit-on.
Taux de complication très faible
"Le taux de complication avec cette technique est très faible. Parce qu’il y a une sécurité du geste, la vision est quasi panoramique, on a même l’impression de travailler au sein de la tumeur", fait savoir le Pr Roman Bosnjak. Une assertion confirmée par certains patients dont Kacou Alia Gomis, qui vient de subir une neuro-endoscopie.
Il affirme avoir déjà connu une première opération différente cette nouvelle technique. "Celle-là est plus modernisée. L’autre avait pris six heures, alors qu’avec celle-là, l’opération elle-même n’a pas pris plus de deux heures. Et aujourd’hui, je me sens parfaitement bien", assure M. Gomis.
Vulgarisation, un autre défi
Pour vulgariser cette technique de vidéochirurgie, des séances d’opération-formation ont lieu durant une semaine, à l’intention de quelques neurochirurgiens et d’ORL de Côte d’Ivoire et d’Afrique de l’Ouest.
Dr Espérence Broualé du service de Neurochirurgie qui y prend part trouve cela comme "un privilège". "On est déjà allé se former à l’extérieur. Une formation comme ça de six jours, moi l’année dernière, j’ai été pour une formation en Europe sur cadavre et ça m’a couté 2000 euros. Donc c’est vraiment un privilège de faire déplacer les spécialistes vers nous ici. Cela permet de former un plus grand nombre de médecins", se réjouit-elle. Idem pour le lieutenant-colonel Mamadou Diarra, chef de service Neurologie de l’hôpital Mère-Enfant de Luxembourg de Bamako, qui estime que ces cours sont les bienvenus à chaque fois qu’ils ont lieu.
Pour ces premières séances, 11 patients atteints d’adénome hypophysaire et d’hydrocéphalie, vont bénéficier de cette technique. Qui est désormais connue des médecins ivoiriens. En n’attend donc son introduction dans les CHU ivoiriens, afin que les populations en profitent à moindre coût.
Armand Tanoh
Auteur: Armand Tanoh
