Plusieurs voix s’élèvent en Côte d’Ivoire pour dénoncer l’arrestation, le dimanche 12 février 2017, de six journalistes accusé d’avoir publié de « fausses informations » par le parquet. Associations et organisations professionnelles des médias, société civile et même partis politiques… tous craignent à travers cette affaire un recul de la démocratie et du respect des libertés publiques.
Ces journalistes dont des directeurs de publication, rédacteurs en chef et un correspondant de presse, sont poursuivis pour avoir publié des informations relatives à un accord signé entre l’Etat de Côte d’Ivoire et l’unité des Forces spéciales qui s’étaient mutinée le 7 février, à Adiaké, à Tabou et à Tengrela.
Colère des confrères
Dans un communiqué, l’Association de la presse étrangère en Côte d’Ivoire (APECI) demande la libération immédiate de ces confrères. Tout en se disant choquée par cette interpellation des confrères et « indignée par cet acte illégal », l’APECI, par la voix de sa présidente M’ma Camara, condamne cette nouvelle « forme de musellement » de la presse et invite le gouvernement ivoirien à privilégier la voie du dialogue.
Pour sa part, Syndicat national des professionnels de la presse de Côte d’Ivoire (SYNAPPCI) « condamne fermement cette énième atteinte flagrante à la liberté d’expression et à la liberté de la presse, deux droits fondamentaux de l’homme, reconnus et protégés par la constitution ivoirienne et la loi 2004-644 portant régime juridique de la presse en Côte d’Ivoire ». « Le SYNAPPCI exige donc la libération immédiate et sans conditions des journalistes illégalement détenus ; et tient à rappeler au Président de la République, Alassane Ouattara, garant de la loi, de la Constitution et des engagements internationaux de la Côte d’Ivoire, qu’il s’est plusieurs fois engagé, publiquement, à protéger les journalistes contre toutes sortes d’abus et de violations de leurs droits fondamentaux », note une déclaration de l’organisation.
De même pour l’Union nationale des journalistes de Côte d’Ivoire (UNJCI), qui se dit indigné par cette détention de journalistes alors que le délit de presse est dépénalisé en Côte d’Ivoire ; autrement dit, aucun journaliste ne doit être emprisonné pour une faute commise dans l’exercice ce son travail.
Les politiques concernés
Lors d’un point de presse, lundi 13 février 2017, au siège de sa formation à Cocody, le président du Parti Liberté et démocratie pour la République (LIDER), Mamadou Koulibaly, a jugé « illégale » la procédure judiciaire concerne ces hommes de médias. « La détention de six journalistes, depuis dimanche, pour atteinte à la sûreté de l’Etat est très étonnante. Nous disons non à ce non-respect de la liberté de la presse », a –t-il déclaré.
Le président de LIDER dit ne pas comprendre que des journalistes soient interpellés pour l’utilisation de la plume et de l’ordinateur.
« Incitation à la révolte » militaire
En face, le procureur de la République près le tribunal d’Abidjan, Adou Richard Christophe, justifie cette interpellation par le fait que ces journalistes et leurs organes profitent des mouvements d’humeur de militaires que connaît la Côte d’Ivoire depuis un certain temps, pour divulguer de fausses informations de nature à pousser les soldats à la révolte.
Ces agissements, estime-il dans un communiqué, tombent sous le coup des articles 69 alinéa 4 et 5 et 73 de la loi n°2004-643 DU 14/12/2004 portant régime juridique de la presse et 174 alinéa 2 du code pénal, qui répriment la diffusion de fausses nouvelles, les incitations de militaires à l’insoumission et à la rébellion, les atteintes à l’autorité de l’Etat et la publication d’informations fausses se rapportant au secret de la défense et à la sureté de l’Etat. Le parquet en appelle à la responsabilité des organes de presse et tient à prévenir ce genre de « dérives susceptibles de troubler gravement l’ordre public ».
Le gouvernement appelle au calme
De son côté, le ministre de la Communication, de l’Economie numérique et de la Poste, Bruno Nabagné Koné, recevant lundi à son cabinet des responsables des associations de la presse, a appelé les journalistes au calme. « Nous n’en sommes qu’à une étape préliminaire de la procédure (…) Il ne faut pas à ce stade commencer à paniquer » a affirmé Bruno Koné qui a rassuré qu’il fera tout pour défendre la liberté de la presse. Il a par ailleurs, indiqué qu’il mettra également tout en œuvre pour que la loi soit respectée.
Invitant les journalistes à la « responsabilité et au professionnalisme », le ministre Nabagné Koné a annoncé qu’il travaillera à faire en sorte qu’une « solution soit trouvée ».
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Auteur: Armand Tanoh