Côte d’Ivoire-Dossier/ Agro-business ou placement d’argent réinventé : biz ou arnaque ?

« La terre de trahit pas ! » : laconique slogan passe-partout utilisé comme credo par la plupart de ces entreprises qui fleurissent comme des champignons dans le secteur des services à Abidjan. Gram’s, Agromix (monhevea.com), Agrizinet, Agro Finances, Agro-Fin, Ivoire Agro, Agro Invest Côte d’Ivoire, Welle Agri Service, Ivagroup, etc. La liste est longue, celle des souscripteurs s’allonge à grande vitesse. Mais de quoi s’agit-il ?

Bénéfice massif

Il s’agit d’offres que font ces entreprises à leurs souscripteurs en leur proposant des plans d’investissement agricoles, notamment dans le domaine des cultures vivrières. Le souscripteur, via l’entreprise d’agro-business investit de l’argent sur une parcelle de terre, existant normalement quelque part dans le pays, pour réaliser un champ. Et une fois la récolte effectuée et les produits vendus, dans un délai généralement de six mois, le souscripteur reçoit un retour sur investissement avec un bénéfice pouvant aller jusqu’à 400% de la somme investie.

Exemple concret : une entreprise X lance un produit qui demande des souscriptions en raison de 2,3 millions de francs CFA la part. Le produit peut être une culture agricole, soit de la tomate, des mangues, du piment, etc. Les souscripteurs après investissement attendront six avant de revenir retirer un chèque d’un peu plus de 8 millions. Une affaire intéressante, qui suscite alors une véritable affluence des souscripteurs aux guichets des entreprises exerçant ce nouveau business.

Mais le hic, c’est que ces structures travaillent dans conditions encore floues, avec un modèle économique qui laisse penser à un système Ponzi ou vente pyramidale – sauf que là, les clients ne sont dans les faits attirés par d’autres clients vers le produits, mais le sont de façon subtile après avoir vu les gains des premiers souscripteurs- ; et dans ce genre de situation, seuls les premiers à investir perçoivent les retours sur investissements promis. Ils serviront d’appâts pour enfariner la grande masse de souscripteurs qui suivront.

Pire, c’est que ces activités rappellent insidieusement le phénomène des placements des maisons de argents qui avaient, il y a quelques années, plongé le pays dans une grave crise, plongeant dans la désolation plusieurs Ivoiriens qui y avaient investi toutes leurs épargnes sans rien recevoir en retour.      

Ni banques, ni bourses ni microcrédits

D’abord l’un des problèmes de ces établissements d’agro-business, c’est que même les régulateurs du secteur économique et financier, notamment le ministère de l’Economie et des Finances, ne savent dans quelle catégorie les classer. En effet, elles ne sont ni de banques ni des établissements boursiers, encore moins des microcrédits. Si bien que la Banque centrale des Etat de l’Afrique de l’Ouest s’est souventes fois inquiété de leurs activités qui brassent d’importantes sommes d’argent, le plus souvent constituées d’épargnes publiques, mais dont on ne dispose pas d’informations fiable sur leurs provenances.

Aussi, des investigations menées par La Diplomatique d’Abidjan (www.ladiplomatiquedabidjan.net) dans deux localités (Didiévi et Bocanda) où certaines de ces entreprises prétendent avoir des terres cultivables affectées à leurs souscripteurs, a permis de constater que les parcelles disponibles étaient juste des moyens de communication pour appâter des clients. Dans la mesure où, pour une entreprise ayant bouclé depuis trois mois un programme « tomate » pour 1500 souscripteurs, sa parcelle disponible atteignait à peine un demi-hectare.

De son côté, le gouvernement qui a mis en place un groupe de travail pour analyser les activités de ces entreprises, appelle à la « vigilance », en attendant les conclusions de cette enquête.

« Vigilance et prudence»

En fait, lors du dernier Conseil des ministres de l’année 2016 tenu le mercredi 28 décembre, le gouvernement a pris d’importantes mesures sur le fonctionnement des entreprises d'agrobusiness en Côte d’Ivoire. Il s’agit de mesures appelant les populations à la vigilance et à la prudence sur les activités que mènent ces sociétés.

Selon le porte-parole du gouvernement, Bruno Nabagne Koné, ministre de l’Economie numérique et de la Poste, des résultats partiels d’enquêtes sur les activités de ces entreprises, ont donné de savoir qu’il y a des risques réels  liés au mode de financement.  

« Il faut être prudent et vigilant », a-t-il conseillé, rappelant le mauvais souvenir des maisons de placement d’argent à un moment donné dans le pays, un business dans lequel plusieurs citoyens se sont vus grugés. 

Pour le gouvernement, il faut sursoir à tout engagement lié à ce business en attendant qu’il ait une visibilité dans les activités de ces structures qui offriraient aux souscripteurs des possibilités d’investissements agricoles ou de placement de leur épargne…

 

« Les conclusions partielles des travaux de ce groupe laissent entrevoir l’existence de risques réels liés à ce type de financement. Aussi, dans l’attente des conclusions définitives de l’étude et vu l’importance des flux financiers en jeu, le gouvernement appelle-t-il les populations à faire preuve de vigilance pour tout acte d’investissement et de placement de capital de ce type », a-t-il prévenu.

« Avoir une idée claire des activités et du mode de financement » est l’objectif du gouvernement, a soutenu Bruno Koné.  Et ce, jusqu’à ce que les résultats entiers de l’enquête soient connus. 

Daniel Coulibaly

Auteur:
Daniel Coulibaly

LDA Newsletter

Ne ratez rien de l'actualité en continue, soyez aux premières loges des dernières news sur LADIPLOMATIQUE D'ABIDJAN