Le pian, également connu sous le nom de framboesia, est une maladie tropicale négligée (MTN) causée par la bactérie Treponema pallidum sous-espèce pertenue. Selon les chercheurs issus des centres de recherches spécialisés du Cameroun, du Ghana, de la Côte d’ivoire et des institutions internationales de recherches en santé épidémiologique et endémique ont conclu que les populations à risque sont les enfants. L’Institut Pasteur d’Abidjan a restitué les résultats de cette étude menée dans trois pays endémiques, le Ghana, le Cameroun et la Côte d'Ivoire, où le pian reste une problématique de santé publique importante a été faite le 2 juillet dernier et publiée dans le journal de santé international Plos Neglected Tropical Deseases.
Maladie ulcéreuse non vénérienne causée par la bactérie Treponema pallidum ssp. Pertenue, le pian se transmet par contact cutané entre une personne atteinte d'un ulcère infectieux et est endémique dans 13 pays en Afrique.
Quelques médecins et des praticiens de la médecine alternative, acteurs quotidiennement confrontés à cette maladie ont participé à cette étude, afin de guider les efforts d’éradication de celles-ci.
Sur le terrain, ces chercheurs ont évalué les connaissances, les attitudes et les pratiques liées au pian parmi les membres de la communauté, notamment les agents de santé communautaires (ASC) et les guérisseurs traditionnels.
Les pays qui ont fait l’objet de l’enquête, la Côte d’ivoire, le Ghana, et le Cameroun ont été sélectionnés en fonction de leur endémicité connue du pian, telle que documentée par l'OMS et les autorités sanitaires.
Les experts relèvent que le pian en tant que maladie chronique et récurrente touche principalement les enfants vivant dans les régions équatoriales chaudes et humides d'Afrique, d'Asie du Sud-Est et du Pacifique. Des facteurs tels que la pauvreté, l'insécurité socio-économique et une mauvaise hygiène personnelle contribueraient à la propagation du pian et les enfants de moins de 15 ans constituent 75 à 80 % de la population touchée.
INFORMATIONS SUR LA MALADIE
En Côte d’Ivoire, l'étude a révélé des variations dans la perception des causes du pian parmi les membres de la communauté. La méconnaissance de l’origine et de la maladie s’est fait ressentir dans les pays audités. Au Ghana, plus de 60% des participants ont attribué le pian aux germes, tandis qu’au Cameroun, la forme de transmission la plus signalée était le contact avec une personne infectée ou la consommation de l’eau sale, ou boissons infectées (44,6 %), en Côte d'Ivoire, les participants près de 60%, ont affirmé que la maladie était due à des germes et 93 % ont déclaré que cette maladie provenait des sources d’eaux. Il faut aussi souligner que dans cette étude une proportion substantielle des participants ivoiriens ont associé le pian à la sorcellerie et à la punition divine, c’est dire en conclusion que les causes de cette maladie ne sont pas encore bien comprises par une bonne frange de la population.
PRISE EN CHARGE SANITAIRE
S'il n'est pas traité, le pian peut entraîner de graves déformations, mutilations et handicaps, ce qui souligne l'urgence d'interventions et de prises en charge efficaces. L'azithromycine orale est le traitement privilégié contre le pian et l'Organisation mondiale de la santé déploie des campagnes d'administration massive de médicaments à base d'azithromycine dans le but d'éradiquer le pian à l'échelle mondiale. Cette enquête conduite par des spécialistes en sciences sociales des 3 pays cités plus haut en collaboration avec des institutions agréées comme l’Institut Pasteur. Le Programme National d’Élimination de la Trypanosomiase Africaine en Côte d’Ivoire, ou des institutions comme le London school of hygiène & Tropical Medecine, ou encore le Friedrich-Loeffler-Institut pour ne citer que ceux-là a ressorti que la plupart des participants ont exprimé une préférence pour rechercher des soins dans les hôpitaux (49,2 %, 60,6 %, 86,2 %) ou auprès de professionnels de la santé, y compris les médecins et les infirmières (58,5 %, 41,5 % et 17,2 %). Et cela, s'ils recevaient un diagnostic de pian, bien qu'un quart des participants en Côte d'Ivoire aient également sollicité l'aide de guérisseurs traditionnels.
Sur le terrain, l’enquête a également révélé que les agents de santé communautaires étaient généralement bien formés sur les causes du pian et les options de traitement, malgré la faible disponibilité des médicaments et des tests de diagnostic.
STIGMATISATION ET DISCRIMINATION
L’impact social de la maladie, la stigmatisation des personnes infectées vis-à-vis de la communauté n’a pas été épargnée dans cette enquête. La stigmatisation des personnes atteintes du pian est différente, selon les pays. En Côte d’Ivoire, 46% de participants ont déclaré avoir des tendances à éviter des personnes atteintes de pian par peur de la contamination, et de la propagation de la maladie dans la communauté. Les populations interrogées dans les deux autres pays ont également eu le même commentaire.
PRÉVENTION ET CONTRÔLE
Interrogés sur les pratiques de recherche de soins, cette étude a démontré que 60% de personnes en Côte d'Ivoire ont affirmé aller se faire consulter en cas de suspicion de pian dans un centre de santé, 25,8 % ont également déclaré qu'ils consulteraient un guérisseur traditionnel, contre 9,6 % au Cameroun et 3,4 % au Ghana. Interrogés sur la prise en charge, et le dépistage, 12 agents de santé communautaire en Côte d’Ivoire ont déclaré avoir utilisé l’Azithromycine, 7 agents ont opté pour la pénicilline, et 7 autres ont utilisé des traitements alternatifs ; tandis qu’au Ghana, des comprimés d’Azithromycine ont été priorisés et pour les 4 agents du Cameroun interrogés ils ont utilisé de l’injection de Benzathine pénicilline. Dans le cas de la disponibilité de stocks de médicaments la plupart des agents de santé interrogés dans les 3 pays ont reconnu avoir des médicaments en stock bien que certains aient déclaré avoir eu souvent des ruptures de stocks.
EDUCATION DES POPULATIONS
Ces résultats soulignent la nécessité d'une éducation communautaire, de campagnes de sensibilisation, d'une formation continue des agents de santé communautaire et d'un meilleur accès aux ressources de traitement et de diagnostic du pian, a ressorti l’étude. Les données suggèrent également que la collaboration avec les guérisseurs traditionnels, qui occupent généralement une position très estimée dans la société, doit être implémentée. Ceci passera par la dispensation des formations sur les causes et la transmission du pian et des échanges sur les connaissances des options de traitement, qui pourront être bénéfiques dans certaines régions, notamment en Côte d'Ivoire. L'une des pierres angulaires de cette campagne d'éradication est d'atteindre une couverture de traitement de la population de plus de 90 % dans les zones endémiques.
Il faut signaler qu’en 2021, 124 687 cas suspects de pian ont été signalés à l'OMS. La plupart d'entre eux en Papouasie-Nouvelle-Guinée où 92 856 cas ont été signalés, en Afrique de l'Ouest 9 384 cas, notamment au Ghana (3 367 cas), au Togo (1 028), au Bénin (198), en Côte d'Ivoire (106). En Afrique centrale notamment au Congo (1 871), en République Démocratique du Congo (669), au Cameroun (647), en Angola (76), et en République centrafricaine (1 218).
Auteur: Edithe Valerie Nguekam, source (Plos Neglected Tropical Deseases)