La plupart des puissances européennes ont une démocratie basée sur un régime parlementaire. L’Allemagne est un exemple éloquent. Aux États-Unis, le Congrès a un pouvoir tel qu'il peut demander la démission ou la destitution du président, en cas de faute grave de celui-ci. La procédure de destitution contre Donald Trump illustre bien cette séparation des pouvoirs.
En Afrique, nous avons 55 Etats. Et parmi ces Etats, ce sont seulement l'île Maurice, le Cap-Vert et l'Éthiopie qui ont adopté pour le régime parlementaire. Le Niger qui a essayé n'est pas parvenu à se stabiliser. Il est su de tous que la majorité des pays africains ont une démocratie présidentielle. Cependant, l'instabilité perpétuelle sur le continent doit-elle conduire ces pays à migrer vers un régime parlementaire pour espérer à une stabilité, un développement voire une vraie démocratie ?
Des politiques, sociologues, juristes, religieux, étudiants, acteurs de la société civile ivoirienne etc, ont débattu de cette problématique au cours d'un panel organisé par la Fondation Friedrich Naumann, sous le thème: « Le parlement dans le système politique ivoirien », le vendredi 19 février 2021 à Abidjan. C'était dans le cadre de la reprise de « Vendredi libéral », une initiative de la Fondation.
La Côte d'Ivoire peut ou doit-elle migrer vers un régime parlementaire ?
En Côte d'Ivoire, le pouvoir est présidentiel. Entre l'Exécutif, assuré par le Chef de l'État, et l'hémicycle (les députés), certains citoyens pensent qu'il y a une séparation de pouvoir et d'autres, par contre, soutiennent le contraire. Pour ces derniers, la logique de la séparation des pouvoirs voudrait que le président n'imposât pas ses desideratas aux représentants du peuple. Or en Côte d'Ivoire « le véritable tenant du pouvoir législatif est le président de la République », selon l'écrivain et Juriste Geoffroy Kouao, l'un des panelistes qui portait une réflexion sur le sous-thème: « Parlement, Etat de droit et démocratie en Côte dIvoire de 1960 à aujourdhui ».
Geoffroy Kouao a fait observer que les Ivoiriens accordent plus d'importance à la présidentielle qu'aux autres scrutins particulièrement les législatives. Il soutient son affirmation en se basant sur le fort taux d'abstention enregistré des législatives de 2011(70%) et 2016(64%).
« Les Ivoiriens auront tort de bouder le scrutin du 6 mars prochain; au regard des enjeux juridiques, politiques et sociaux qui s'y rattachent. Elire un député ; c'est choisir un entrepreneur juridique et politique », a-t-il averti.
Pour lui, le poste politique le plus important sinon indispensable dans un Etat moderne est celui de parlementaire; c'est-à-dire le législateur. Car, le Parlement est plus important que l'Exécutif.
C'est pourquoi, si par extraordinaire l'opposition venait à remporter le scrutin du 6 mars prochain, le président Alassane Ouattara serait dans une posture politique inconfortable; il ne pourra pas gouverner du moins difficilement.
Contrairement à une opinion admise, souligne-t-il, le député est un acteur de développement; car c'est avec la loi qu'on peut changer la société.
Si pour Geoffroy Kouao, le député est un acteur de développement; le Pr Gabin Kponhassia, le deuxième pénaliste, estime qu'il doit être aussi un conciliateur ou médiateur pour la résolution des conflits dans le pays. Malheureusement, le constat qu'il fait de 1960 à ce jour, les députés ont toujours manqué de jouer ce rôle social. Il se prononçait sur le sous-thème : « Parlement et conflits en Côte dIvoire : quels regards et perspectives ».
Gabin Kponhassia dénonce le laxisme des députés ivoiriens dans la résolution des conflits qui ont émaillé la vie socio-politique du pays, ces dix dernières années. Il invite donc ces élus de la Nation à plus d'engagement dans la résolution de ces conflits.
Il propose de ce fait une réinvention du Parlement, en s'inspirant de l'institution traditionnelle et de démocratie consensuelle qu'est « l'arbre à palabre », symbole de règlement de litiges à la sagesse africaine.
« Nous ne sommes pas opposés à l'expression de l'esprit partisan. Mais, nous soutenons que lorsque la Nation est menacée, l'esprit partisan doit être subordonné à l'esprit nationaliste », a-t-il ajouté.
De son côté, Gisèle Duthel, directrice du Think Tank « Audace institut Afrique », qui portait une réflexion sur « Le régime parlementaire : catalyseur de développement pour l'Afrique ? » pense que les pays africains peuvent s'essayer au pouvoir parlementaire qui pourrait garantir une stabilité et donc un développement.
« Le régime parlementaire présente un intérêt du fait de la représentation des populations à un niveau plus proche d'elle », précise-t-elle, en citant les exemples des pays comme l'île Maurice, le Cap-Vert, l'Éthiopie et semi proche le Botswana et l'Afrique du Sud.
A part l'Éthiopie, ces pays au régime parlementaire occupent un bon rang en Afrique dans lindice de développement humain et dinfrastructures, liberté économique, le PIB par habitant, le Doing business, l'indice Mo Ibrahim de la bonne gouvernance etc ; ils sont dans les 15 premiers. Et même au niveau mondial, leur rang est honorable.
« Le choix dun régime politique a toujours un impact sur le bien-être des populations. Pourquoi, les pays africains ne s'inspirent-ils pas d'un régime parlementaire, et après le contextualiser ? », suggère Mme Dutheuil.
Ingo Herbet, l'ambassadeur d'Allemagne en Côte d'Ivoire, a indiqué que le Parlement doit jouer un rôle important dans le débat démocratique à tous les niveaux. Avant de s'appesantir sur le manque de voix indépendante dans la majorité des pays africains; sans manquer d'inviter les intellectuels africains à plus de prise de positions sur les questions liées à la vie de la Nation.
Désormais, c'est "Vendredi libéral"
Hier, c’était « Les jeudis libéraux » désormais, cest « Vendredi libéral ». Cette initiative de la Fondation Friedrich Naumann est une tribune de réflexions, de dialogues et de débats sur les enjeux de société. Elle donne la parole aux intellectuels, partis politiques, acteurs de la société civile, organisations internationales etc. Ce premier numéro de l'année 2021 a été organisé en collaboration avec l'Institut des libertés, Mou-mou-né, centre de réflexions et d'analyses politiques, sociales et économiques.
« Nous croyons fondamentalement que les idées exprimées dans la contradiction permettent de construire les Etats. Cest pourquoi, nous avons créé « Le Vendredi libéral », s'est félicité son directeur exécutif et chargé des programmes/Communication, Magloire N'Dehi.
Des représentants des partis politiques, des membres de la société civile, des institutions étatiques, organisations internationales etc ont pris part à ce numéro de " Vendredi libéral".
Auteur: Daniel Coulibaly