Dimanche dernier, les Tunisiens ont choisi Kaïs Saïed pour présider le pays. Sans parti politique, sa victoire a pu surprendre. Dans cette chronique, je porte un regard sur cette élection et ses perspectives en Afrique.
Dans une Tunisie en quête de printemps économique après le printemps politique, on aurait pensé que les tunisiens choisiraient l’homme d’affaires, celui qui sait mobiliser les ressources, celui qui a eu une belle carrière dans les plus grandes multinationales.
On aurait cru que la Tunisie voterait le magnat des médias, l’homme de réseaux, celui qui est capable de faire de nombreux dons aux nécessiteux.
Dans une Tunisie où la moyenne d’âge est d’environ 32 ans, on s’imaginait qu’elle élirait le candidat le plus « fun » paré de beaux costumes dressés avec sa belle paire de lunettes fines en percé.
Que non! Les tunisiens ont préféré un homme à l’apparence vieille, cheveux grisonnants, allure austère et voix d’automate.
Un universitaire qui depuis plus de 20 ans n’a pas encore « eu le temps » d’achever sa thèse de droit constitutionnel.
Kaïs Saïed est élu à 72,71%.
L’homme est particulier.
Après la révolution en 2011, il refuse tous les postes qu’on lui propose. Il ne s’engage avec aucun parti politique.
Il préfère parcourir plutôt les clubs, les associations dans les quartiers et sillonner le pays pour prononcer des conférences pour former et partager sa vision d’une nation fondée sur le droit avec des institutions fortes pour construire la paix et le progrès social.
Les autres ne l’ont pas vu venir parce qu’il faisait tout sauf ce que les autres faisaient ; c’est à dire, distribuer des billets de banque et des vivres, dresser des foules dans des meetings chauffés et souvent creux de contenus.
Kaïs Saïed parcourait les coins et allait à la rencontre des « vrais patrons » du pouvoir, le peuple. Il ne fit aucunes promesses. Aucun programme de gouvernement pour flatter avec des chiffres et données souvent loin des réalités mais il a un projet politique. Il a des idées claires de la société dont rêve ses interlocuteurs depuis plus de 8 ans notamment les jeunes, moteur de la révolution de 2011.
Les résultats des élections sont sans appel.
Selon l’institut « Sigma conseils », 90% des électeurs de 18 à 25 ans ont voté pour Kaïs Saïed. Plus de 80% des 26-44 ans et environ 70% des 45-59 ans l’ont choisi.
C’est seulement les plus de 60 ans qui ont voté pour son adversaire.
Encore que plus de 80% de ses électeurs ont un niveau scolaire d’au moins le secondaire sinon qu’ils sont en grande partie des universitaires.
Le message est clair pour les Tunisiens. Sans prédictions ni prophéties, je pense que d’autres pays du Maghreb n’échapperont pas à cette seconde « révolution tunisienne ».
L’Afrique subsaharienne non plus.
Pour ce qui est de la Côte d’Ivoire, je peux parier que de 2020 à 2024, nous continuerons avec la « vieille garde » et les mêmes pratiques mais à partir de 2025/2030, des signaux d’appel au changement apparaîtront.
Pourquoi ?
1- Dans cette période, nous serions en plein dans la phase de remboursement de la dette contractée maintenant. Saurions-nous trouver des approches innovantes pour y faire face sans grincements de dents des populations?
2- Les 3 grands leaders actuels (Ouattara, Gbagbo et Bédié) détiennent tous une « légitimité historique » qui les incrustent dans les marbres de nos consciences. À partir de 2025/2030, ils seront tous épuisés tant physiquement qu’intellectuellement. Leurs héritiers n’auront pas leur aura et le poids qu’ils ont sur le peuple actuellement notamment sur leurs militants.
3- Le taux d’alphabétisés/instruits augmentera et les citadins seront encore plus nombreux avec un accès à internet encore plus dense.
4- Plusieurs jeunes ivoiriens de la génération des années 80 et 2000 partis à l’étranger pour les
études commenceront à revenir au bercail. Ceux restés sur place auront eu le temps de se
construire une carrière professionnelle et acquis de la maturité politique.
5- Les populations qui ont aujourd’hui 12-44 ans auront entre 18 et 50 ans et ils représentent 13.834.612 (environ 14 millions) donc plus de 50% de la population ivoirienne. (RGPH 2014)
Les adolescents de 12 et 17 ans d’aujourd’hui sont nés après les années 2000. Et récemment, faisais un petit sondage avec quelques-uns; j’ai noté que ces jeunes ne connaissent pratiquement pas le Président Ouattara, ni Bédié ni Gbagbo. Un peu moins le premier ministre Gon, Affi et Banny. Ils entendent parler d’eux mais n’ont aucune expérience ni contact avec eux.
Ils ne savent pas assez de la rébellion de 2002 et ses acteurs.
À partir de 2025/2030, les cartes seront donc rebattues. C’est donc maintenant qu’il faut préparer la Côte d’Ivoire dont nous rêvons.
Il faut des actions spécifiques d’éducation civique et politique pour les jeunes de: 12-20 ans (ceux qui j’appelle «génération Arafat ») 21-30 ans (généralement dans les associations scolaires, universitaires et sociales) 31-44 ans ( dans les clubs services, les ONGs, associations politiques, les cercles de réflexion...).
L’inaction n’est plus une option.
Tous engagés pour une #CôteDIvoireForte2025
Les Chroniques de Magloire
Auteur: LDA Journaliste
