Par Amadou Koné, Ministre des Transports de la République de Côte d’Ivoire*
Sur un continent en pleine urbanisation, la Côte d’Ivoire est indubitablement l’une des nations où l’essor des villes – historique et à venir – est le plus spectaculaire. Le pays affiche l’un des taux d’urbanisation les plus élevés en Afrique sub-saharienne, avec à ce jour un Ivoirien sur deux vivant en milieu urbain, contre un sur cinq en 1960. Cette poussée urbaine concerne en tout premier lieu Abidjan, qui compte aujourd’hui plus de 5 millions d’habitants, contre 1,4 million en 1980.
Moins visible, la contribution des villes secondaires à l’urbanisation du pays est pourtant massive : la population de ces villes a été multipliée par 5 au cours des 40 dernières années, représentant plus de 8 millions d’habitants à ce jour. D’après les Nations-Unies, cette croissance urbaine exceptionnelle va être maintenue à horizon 2050 : la Côte d’Ivoire devrait alors compter 35 millions d’urbains – les deux tiers de sa population à cette date – soit 700 000 citadins supplémentaires par an en moyenne au cours des 3 prochaines décennies.
Cette expansion urbaine colossale soulève un double défi pour les systèmes de mobilité dans les agglomérations ivoiriennes. Un défi économique et social, tout d’abord, consistant à désenclaver les quartiers et à offrir des opportunités économiques au plus grand nombre. Ce défi peut relever du tour de force pour des villes telles qu’Abidjan, qui s’étend sur plus de 2 000 kilomètres carrés et devrait voir sa population dépasser 8 millions d’habitants d’ici 2035. Un défi climatique, ensuite, qui implique de penser dans la durée la mobilité urbaine, notamment en promouvant le transport de masse et en limitant les émissions de CO2 et de particules fines.
Cet enjeu est clé pour des villes qui, à l’instar d’Abidjan, concentrent près de 14 millions de trajets journaliers. Pour répondre à ces défis, nous avons initié des politiques ambitieuses, notamment dans le cadre des Plans Nationaux de Développement 2016-2020 et 2021-2025, mis en place pour soutenir le développement économique et social du pays, en mettant l’accent sur les infrastructures.
La Côte d’Ivoire s’est ainsi dotée d’un programme d’envergure en matière d’urbanisme et de mobilité, avec des réalisations d’ampleur à la fois dans les villes secondaires (travaux d’asphaltage et d’éclairage à grande échelle) et à Abidjan : aménagement de la lagune de Cocody ou encore densification du réseau de bus, avec un projet de voie à haut niveau de service en cours de développement.
Ces infrastructures ont permis de changer la vie de nombreux Ivoiriens : à titre d’exemple, le transport fluvial sur la lagune permet de traverser Abidjan en dix minutes pour un prix de 300 FCFA, contre une heure en transport routier, pour un prix deux fois plus élevé. A l’avenir, de nouvelles initiatives prometteuses vont continuer à améliorer la mobilité dans Abidjan et son agglomération : projet de métro aérien connectant Anyama à Port Bouët, ligne téléphérique reliant Yopougon au Plateau, ou encore développement (à plus longterme) des infrastructures requises par les véhicules électriques.
De l’expérience des villes ivoiriennes, il est possible de tirer trois enseignements clés pour la mobilité urbaine à travers le continent. D’une part, une vision (notamment étatique) est essentielle afin d’obtenir des infrastructures résilientes, efficaces sur le long terme, à travers une planification rigoureuse et un recours à des schémas de mobilité innovants. D’autre part, le pragmatisme doit être de rigueur, que ce soit sur le dimensionnement des projets, l’adaptation à l’existant ou encore la mobilisation du secteur privé à travers des partenariats bien pensés et équilibrés.
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Cet édito est issu du rapport AFRICA CEO FORUM et OKAN PARTNERS sur les mobilités urbaines en Afrique. A retrouver ici.
Auteur: LDA Journaliste