Côte d'Ivoire-Grève annoncée à la RTI : Regard sur un malaise qui met en danger l’entreprise (Enquête express)

Les syndicats de la Radiodiffusion Télévision Ivoirienne (RTI), notamment le SYNINFO et l’Intersyndicale des professionnels des médias de Côte d’Ivoire, ont lancé, depuis le 11 janvier, un préavis de grève qui court jusqu’au 30 janvier 2017. Si ces syndicats n’ont pas satisfaction de leurs revendications, l’on devrait s’attendre à un arrêt de travail 48 heures par leurs syndiqués à la date indiqué. Mais de quoi s’agit-il exactement ? Que réclament les acteurs sociaux de la maison bleue ? Leurs revendications justifient-elles l’action en vue ? Quid de la position de la direction de l’entreprise? Enquête sur un malaise qui met en danger le bon fonctionnement la RTI.  

Revendications majeures

Selon le courrier de préavis de grève des deux syndicats [Télécharger préavis], dont La Diplomatique d’Abidjan (LDA, www.ladiplomatiquedabidjan.net) a pu se procurer copie, cinq (5) revendications majeures peuvent être relevées. Il s’agit notamment du paiement des effets financiers des avancements catégoriels, la transformation en Contrat à durée indéterminé (CDI) les contrats des agents en situation de Contrat d’assistance technique (CAT) et Contrat à durée déterminée (CDD) ayant effectué au moins deux années d’activité au sein de la boite.

Mais aussi, la relocalisation des directions et certains services dont l’infirmerie, le Conseil d’administration et la Direction commerciale et marketing (DCM) au sein de la maison de la Télévision à Cocody, le recrutement aux postes stratégiques par appel à candidatures interne, un cadre d’échanges pour la gestion de la scission de la RTI en deux entités distinctes et la libéralisation de l’espace télévisuel.

Confrontations

Concernant le point de revendication sur le paiement des avancements, une convention conclue au premier trimestre 2016 entre la direction générale et les partenaires sociaux fixe un avancement négocié d’une enveloppe globale de 100 millions FCFA, compte tenu des problèmes de trésorerie de l’entreprise. La date d’effet étant fixée au 1er janvier 2017, selon l’accord consulté par LDA. Ainsi, les effets de cette convention devraient être sentis sur les soldes des agents à partir de fin janvier 2017. Un proche de la direction générale de la RTI approché, s’étonne que cette revendication figure parmi les griefs des syndicats. « A chaque fois que nous avançons, les syndicats reviennent sur les engagements qu’ils ont pris. Nous voulons un dialogue constructif et dans l’intérêt de l’entreprise », mentionne ce responsable qui a requis l’anonymat.

Se prononçant sur la question du basculement des CAT et CDD en CDI, la même source craint « un risque financier pour l’entreprise ». « Dans le domaine de l’audiovisuel, quand nous avons des moments de forte activités, nous utilisons ce genre de contrats. Et puis, plusieurs personnes dans ce cas ont intégré avec des CDD depuis mai 2015», défend-t-il. Pis, le document de contrat CAT [Télécharger modèle de Contrat CAT] signé par les assistants techniques et la RTI stipule en son article 8 que ces travailleurs n’ont pas qualité d’agent de la RTI. Ils sont donc recrutés pour leur expertise en qualité de prestataires extérieurs, précise le document consulté par LDA.

Sur le troisième point, portant sur ‘’la relocalisation de l’infirmerie, du Conseil d’Administration et  de la Direction Commerciale et Marketing au sein de la maison de la Télévision à Cocody’’, ce cadre constate que « cela n’est pas réaliste ».  « Nos bâtiments datent des années 60 et nos activités ont changé dans  la forme et dans le fond. Nous avons des nouveaux métiers qui engendrent des nouvelles organisations. La direction générale a un plan de construction de nouveaux bâtiments, de nouveaux studios et autres. Il faut trouver le financement pour regrouper toutes les entités en une seule place », justifie-t-il.

Quant à la question des recrutements aux postes stratégiques, cette investigation a permis d’observer que des appels à candidaturesinternes se font régulièrement au sein de l’entreprise pour ce genre de poste.  Ce, dans le cadre de la mobilité et la motivation du personnel, dit-on. Dernière vague en date, une dizaine d’appels à candidature internes [Télécharger copies des apels à candidatures] lancée en octobre 2016 pour divers postes, dont « chef de section innovation et développement », « coordonnateur éditorial des jeux et divertissements à TV 2», « administrateur des bases de données junior », etc. « Comme dans toute entreprise moderne, nous recherchons d’abord des profils en interne. Lorsque les profils en interne ne répondent pas aux critères spécifiques requis, nous procédons à des appels à candidature externe », précise le responsable avant d’affirmer que  plusieurs recrutements et promotions ont été effectués en interne. 

Pour ce qui est de la libéralisation de l’espace télévisuel, il est prévu une scission de la RTI en deux entités distinctes, apprend-on. Le 21 décembre un coordonnateur du Projet de scission de la RTI a été nommé. « La scission ne devrait, en réalité, pas être une revendication. C’est l’Etat, dans la gestion de la libéralisation, qui a décidé, pour une question d’indépendance, de créer l’entité qui va gérer la diffusion, s’étonne le cadre de la direction. « Tous les agents sont informés sur les questions liées à la scission et de la libéralisation. Plusieurs rencontres ont été consacrées à ce changement au sein de la RTI’’, insiste-t-il.  

Mais en face, les Syndicats restent catégoriques. La grève aura lieu s’ils n’obtiennent pas satisfaction de leurs revendications. Pour le SG du Syninfo, Kouadio Amonzame, la direction veut fuir les vrais débats et refuse d’ouvrir une négociation franche avec eux. « Nos revendications sont fondées et légitimes. Tout travailleur a droit à l’amélioration de ses conditions de vie et de travail », clame-t-il. Revenant sur les points de revendications cités plus haut, M. Amonzame affirme que le « risque financier » ne saurait s’expliquer pour ne pas embaucher les contractuels, « surtout que la RTI perçoit des redevances sur toutes les factures d’électricité depuis plusieurs années ». « D’ailleurs, l’une de nos revendications est aussi que la lumière soit faite sur cette redevance que les populations paient pour soutenir leur télévision », lance un autre syndicaliste qui dénonce une « attitude méprisante de la part de la direction vis-à-vis des syndicats, en se fermant totalement au dialogue ».

Mais selon des informations recueillis auprès de la direction, le DG, Ahmadou Bakayoko, devrait rencontrer les syndicats avant donc le 30 janvier pour trouver  un terrain d’entente, gage de la levée du mot d’ordre de la grève. En attendant, Lanciné Koné (Ex-Directeur de l’information) a été désigné nouveau Médiateur social [Télécharger copie de la note d'information].  Cet homme, considéré comme neutre, respecté des agents avec sa grande expérience de syndicaliste devra continuer le dialogue. « Tout cela vise à rassurer les syndicats de la volonté du DG à agir pour la pérennité de l’entreprise dans un environnement de plus en plus concurrentiel », commente un autre cadre de la direction, qui perçoit derrière cette menace de grève des intentions cachées.

« Desseins inavoués »

« A l’analyse et au vue des concessions et réponses apportées aux exigences, il y a la crédibilité des syndicats.  En lieu en place de véritables revendications, il y a un dessein inavoué derrière ce chantage, d’où le revirement à chaque fois des syndicats», dénonce-t-il, mettant même en cause la crédibilité des syndicats. Pour lui, « La méthode Ahmadou Bakayoko » dérange à plus d’un titre les syndicats.

D’abord, s’explique-t-il, la rigueur dans la gestion et la vision de ce polytechnicien de 40 ans qui tient les rênes de la RTI depuis près de 4 ans, ne laissent plus la place à l’improvisation. Cette rigueur, dit-il, a d’ailleurs permis à la RTI depuis des années faire de bons résultats financiers certifiés et approuvés par le commissaires aux comptes. « La RTI est devenue une entreprise crédible avec un rayonnement qui dépasse les frontières de la Côte d’Ivoire », dit-il assurant que « le DG a toujours été ouvert au dialogue et a toujours appelé les syndicats à la négociation ».

Dans cette guéguerre, les positions semblent donc tranchées. Et le bon fonctionnement de la RTI reste l’enjeu crucial face aux possibles perturbations que pourrait induire cette grève.

 

Armand Tanoh

Auteur:
Armand Tanoh

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