Côte d’Ivoire : Au coeur des difficultés des lépreux du village Marchoux de Bingerville (Reportage)

Le village Marchoux, à cinq kilomètres de Bingerville, abrite des malades de la lèpre. Une visite en ce lieu, lundi 18 avril 2016, à laquelle ont pris part le Rotary Marseille Notre-Dame, le Rotary club Abidjan et des journalistes permet de percevoir le quotidien de quelque onze malades de la lèpre et leur famille y vivant, confrontés à des difficultés et ne comptant que sur l’aide de bienfaiteurs, surtout depuis le déclin de leurs  activités génératrices de revenus, notamment la pêche et l’artisanat.

les butins de la pêche devenus bien maigres

les butins de la pêche devenus bien maigres

Le village Marchoux ou Gnankansassi( Dieu merci en Ebrié, langue locale)

Crée en 1927, le village Marchoux était situé, selon l’infirmier Assoumou Nicolas, sur  l’ile Désiré, site actuel du quartier Abata. Les malades ont intégré le village  sur son site actuel en 1940. Ce lieu tire sa dénomination d’Émile Marchoux, un scientifique, biologiste et médecin français, pionnier de l’approche moderne du traitement de la lèpre. La léproserie porte le nom  »Gnankannassi » depuis 1980 et compte environ 500 habitants. Les malades aidés de leurs conjoints,  parents et enfants avaient jusque dans les années 90 comme moyen de subsistance les produits de la pêche et de l’artisanat  (la vannerie). Mais aujourd’hui les rendements de la pêche sont bien maigres et cette activité est délaissée. D’ailleurs une dame venue acheter du poisson s’exclame et interroge le pêcheur : «  où sont les poissons ? » vu la taille des alevins qui constituent le butin des Awlan ( pêcheur traditionnel d’origine ghanéenne).

 Le village au bout de 5 kilomètres, qui semble plus…

Juste cinq kilomètres séparent le village de la commune. Mais ce petit trajet,  non bitumé, bien tortueux en saison sèche laisse entrevoir le calvaire des villageois en saison pluvieuse. Un habitant du village affirme que cette voie est  presque impraticable quand il pleut. Heureusement quelques minicars s’aventurent sur cette route jonchée de nouvelles bâtisses, de résidences en construction,  de fermes, de petites plantations de manioc et des carrières d’exploitation de kaolin.

Le chef Messi Bruno recevant les dons du Rotary Marseille Notre Dame

Le chef Messi Bruno recevant les dons du Rotary Marseille Notre Dame

Une organisation sociale avec un chef du village

Messi Bruno, 93 ans, admis au village juste au début de la maladie, quand il était en classe de CE 1 (Cours élémentaire 1er année), en 1951, a été choisi comme chef en 1970. Il incarne l’ancien de cette communauté et un travailleur infatigable.

« A cause de la maladie je n’ai pas pris une femme, c’est maintenant que j’ai une femme, on s’est marié en 2004, je n’ai pas eu d’enfants, et maintenant c’est trop tard », dit, le chef Messi, souriant, le visage marqué par la maladie.

Le chef du village ne se déplace pratiquement plus ou plutôt difficilement avec un treneau, il a les jambes bandées, rongées par la lèpre. Il lance un appelle aux bonnes volontés, remerciant les bienfaiteurs, notamment des  fidèles chrétiens et musulmans, des Organisations non gouvernementales (ONG), l’institut Raoul Folloraux qui leur apporte du riz, des boîtes de tomates, de l’huile, des pattes alimentaires, des vêtements, du sucre, du savon  pour leur différents dons.

Nanan Assoumou 1er  Kouamé Nicolas, l’infirmier du village

Il a été affecté depuis 1999 dans village avec à son arrivée 33 malades. Selon lui, sur le plan bactériologique il n’y a plus de malades au village Marchoux, mais  le  village compte  » des séquellaires’’ ceux qui ont perdu soit une jambe, un doigt ou le nez effondré,  que nous prenons en charge  » , a-t-il expliqué, ajoutant que le village accueille de nouveaux malades qui reçoivent un traitement durant 6 à 12 mois avant de retourner dans leur familles respectives, n’étant pas pris en compte par l’Etat comme les anciens pensionnaires.

Les habitants du village compte sur l'aide de bienfaiteurs

Les habitants du village compte sur l’aide de bienfaiteurs

Des besoins au quotidien

«  l’Etat ne donne rien, il  dit qu’il n’y a pas d’argent, c’est les gens d’églises catholiques et des musulmans qui nous donnent un peu, quand ils viennent nous visiter,(…) mais chaque malade doit payer  sa viande ou  son poisson», explique le chef Messi, soulignant que les enfants et petits-enfants  des malades sont en majorité sans emplois ou exercent des petits métiers. Les habitants ont un besoin constant de médicaments (antibiotique, de pansement, anti antalgique), de vivres et non vivres. Les habitants de Gnankannassi souhaitent entre autres, des travaux de réhabilitation des bâtiments du centre composés d’un bureau et de l’infirmerie et de quatre pavillons.

(AIP)

Auteur:
Armand Tanoh

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