Abidjan, le vendredi 8 août 2025(LDA)-Dans une interview accordée à l’Agence Ivoirienne de Presse (AIP), Philippe Cecchi, directeur de recherche à l’IRD (Institut de recherche pour le développement) tire la sonnette d’alarme sur la pollution de la lagune Ébrié. Le plastique, composé de polymères et de 16 000 additifs, dont 4 000 connus pour leur toxicité, se fragmente en macro, micro et nano-particules, libérant plus facilement des substances nocives dans les organismes vivants.
Le chercheur soutient que 100 % des sardinelles analysées contenaient du plastique dans leur tube digestif. « Ces fragments peuvent transporter des perturbateurs endocriniens tels que les phtalates, présentant un risque d’intoxication chronique pour les consommateurs et des effets potentiels sur la reproduction, le développement fœtal ou le système hormonal. Les analyses sont encore en cours pour confirmer leur présence dans la chair des poissons », souligne-t-il.
Selon Philippe Cecchi, chez les poissons, l’ingestion de plastique perturbe l’alimentation, la croissance et le comportement reproductif. Le phénomène touche aussi mollusques, crustacés et organismes filtreurs, qui confondent plastique et nourriture naturelle, altérant profondément la chaîne alimentaire marine.
Pour y remédier, préconise M. Cecchi, la méthode des 5 R : réutiliser, réduire, recycler, ramasser/restaurer et réparer. Mais, insiste le directeur de recherche à l’IRD, sur la nécessité d’infrastructures adaptées, comme des poubelles et un système de collecte structuré, qui font défaut dans la plupart des villes ivoiriennes.
Philippe Cecchi déplore également l’absence d’éducation environnementale dès le plus jeune âge. « Le réflexe de jeter les déchets dans la rue reste courant, faute de sensibilisation et d’équipements, alors que ces déchets finissent dans la lagune puis dans l’océan. », fait-il remarquer.
Le chercheur note une incohérente sur l’ambition d’«Abidjan ville durable » face à une pollution plastique estimée à 200 000 tonnes par an déversées dans la lagune. Il appelle donc à redistribuer les responsabilités, en obligeant les industriels à assumer le coût environnemental de leur production, plutôt que de faire reposer tout le poids de cette crise sur des citoyens sans moyens de gestion des déchets.
Un dossier publié en 2021 par Nature Science et Société, intitulé « Les déchets plastiques dans l’océan au cœur de l’Aquathon d’Abidjan, Côte d’Ivoire », met en lumière la pollution des lagunes ivoiriennes. Celles-ci reçoivent d’importants volumes de déchets plastiques, transportés par les eaux usées domestiques et urbaines ainsi que par les eaux de ruissellement, qui se déversent directement sans traitement préalable.
Une étude conjointe menée par l’IRD et le Centre de Recherches Océanologiques (CRO) a mis en lumière une contamination importante par les microplastiques, de 40 mm à 5 mm, dans les sédiments de la lagune Ébrié, notamment dans la baie des Ambassadeurs, Abobo-Doumé et la baie de Biétry, ainsi que dans la lagune de Mondoukou. Les concentrations relevées varient de 240 à plus de 30 000 particules par kilogramme de sédiment
Auteur: Auguste Beugré