Par Mamadou Biteye*
Magreth Simon est l’actuelle présidente de Homari AMCOS - Agriculture Marketing Cooperative Society (Société coopérative pour la commercialisation des produits agricoles) - qui est un groupe d’agriculteurs de Hanang, région de Manyara dans le Nord de la Tanzanie. Sous sa direction, le groupe Homari en croissance rapide a enregistré les plus importants revenus parmi leurs pairs de la région. Ce résultat est dû au fait que le groupe a adopté des technologies simples visant à contribuer à une meilleure gestion post-récolte.
Magreth et ses collègues de Homari servent de modèle à tous les agriculteurs qui, la semaine dernière, étaient au centre des débats lors de l’édition 2017 du Forum pour la Révolution verte en Afrique (AGRF) tenu à Abidjan et qui avait pour thème « Accélérer la marche de l’Afrique vers la prospérité : Contribuer à la croissance d’économies inclusives et à la création d’emplois à travers l’agriculture ». Grâce à un agenda inclusif, la conférence a donné aux acteurs du secteur public et du secteur privé l’occasion d’échanger, d’apprendre et d’explorer les domaines potentiels d’investissement accru et de politiques efficaces au niveau du système alimentaire africain.
Une chose est claire, c’est le rôle crucial joué par la technologie dans l’amélioration de la situation des agriculteurs en Afrique. Cette réalité s’observe chez les producteurs et transformateurs de la chaîne de valorisation de la tomate au Nigéria, dont la demande est estimée à 2,5 millions de tonnes métriques par an et la production annuelle à 1,5 million de tonnes métriques.
Toutefois, près de 50% du rendement des cultures de tomate se perdent après la récolte, ce qui constitue une perte économique qui accentue la situation de sous-approvisionnement du marché. La résolution pure et simple de cette discordance a contribué à l’orientation d’un agenda sur le marché inclusif. Depuis 2016, l’initiative YieldWise de la Fondation Rockefeller a accordé un financement à son partenaire d’exécution PYXERA Global pour qu’il forme 6 000 petits producteurs de tomates. PYXERA Global a relié ces derniers à l’usine de transformation de tomate Dangote située dans le Nord du Nigéria.
En outre, dans le cadre de cette assistance, PYXERA Global a équipé les agriculteurs de simples technologies, notamment des caisses en plastique qui constituent un moyen de transport amélioré produit à partir de paniers en raphia et qui permettent aux acheteurs d’avoir davantage de produits et aux agriculteurs de gagner de meilleurs revenus. Par ailleurs, à travers un partenariat signé entre PYXERA Global et Cold Hubs dans l’Etat de Kano, les agriculteurs peuvent louer des caisses et des entrepôts frigorifiques. En ce faisant, ils optimisent leurs bénéfices en vendant des produits à base de tomate bien conservés en période de marché optimale.
En Tanzanie, YieldWise a accordé un financement à l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA) pour la formation de plus de 20 000 agriculteurs sur l’usage de sachets hermétiques capables de réduire les pertes de grains à plus de 90%. De plus, plus de 4 000 négociants agricoles sont devenus distributeurs et revendeurs d’autres outils technologiques de récolte tels que les silos métalliques, les silos en plastique et les cocons étanches. Des prêts Accélérateurs ont été accordés pour l’obtention de ces technologies novatrices au moyen de fonds renouvelables tandis que certains fabricants offrent des facilités de paiement à de nouveaux distributeurs.
Une diversité de technologies comme les entrepôts frigorifiques, les refroidisseurs de charbon de bois, les chambres froides, les mécanismes de traçabilité et les emballages appropriés contribuent à l’augmentation du nombre de produits qui entrent sur le marché. Elles contribuent également à l’augmentation des revenus des agriculteurs qui les adoptent. Des preuves montrent que la production et les revenus des agriculteurs ont décuplé. La technologie peut constituer un « changeur de jeu » si elle est conçue conformément aux réalités de l’environnement dans lequel elle doit être utilisée, si son prix convient au marché et si elle bénéficie de l’appui concerté de plusieurs acteurs.
Des partenaires comme l’AGRA en Tanzanie et PYXERA Global au Nigéria ont beaucoup contribué à l’accès au financement qui a accéléré l’utilisation et développé la capacité financière des négociants agricoles à devenir des acteurs clés au niveau du système alimentaire. Cependant, le système n’est pas toujours favorable aux agriculteurs.
En 2015, tous les sachets hermétiques en Tanzanie ont fait l’objet d’un TVA de 18% tandis que les cocons ont fait l’objet de 25% de droit d’importation à part le prélèvement fiscal. Malheureusement, 47% du prix de nombre de ces outils sont composés de taxes et la hausse des coûts ont d’ores et déjà un effet négatif sur leur utilisation par les agriculteurs ainsi que sur les investissements réalisés par les négociants agricoles. Les politiques budgétaires comme celles-ci peuvent contribuer à saper les possibilités de croissance économique qui se présentent aux petits exploitants agricoles et leurs fournisseurs dans le secteur de l’agroentreprise.
Notre travail démontre la nécessité constante de mettre en place des partenariats intelligents qui créent des opportunités pour les petits exploitants agricoles d’Afrique. Dans cet ordre d’idées, une telle initiative a été lancée la semaine dernière à l’AGRF 2017. Il s’agit du Partenariat pour une transformation agricole inclusive en Afrique (PIATA) qui constitue une collaboration entre la Fondation Rockefeller, l’USAID, la Fondation Bill et Melinda Gates et l’AGRA.
PIATA exploite les ressources, l’expertise et l’influence de plusieurs partenaires en vue de promouvoir une plus solide combinaison d’investissements et offrir un appui plus ciblé aux priorités nationales. En outre, le partenariat réunit plusieurs acteurs ayant des agendas agricoles similaires, ce qui contribue à faciliter la manière et le coût de faire des affaires. Une plateforme comme PIATA contribuera certainement à accélérer les opportunités pour les agriculteurs afin qu’ils aient accès à des outils technologiques agricoles en vue d’une transformation économique inclusive.
Avec près de 41 millions de petits exploitants agricoles du continent, la transformation agricole inclusive ne peut devenir une réalité que lorsque les acteurs de petite taille du système alimentaire jouent un rôle crucial dans l’agenda de changement. L’investissement en faveur de la technologie qui élargit les opportunités et attire activement les petits exploitants et leurs partenaires dans la chaîne de valeur constitue la clé de la prospérité économique inclusive de l’Afrique si chèrement recherchée. Toutefois, la technologie peut être l’accélérateur dont nous avons besoin, si et seulement si nous faisons preuve de jugeote vis-à-vis des partenariats, du financement et de l’écosystème que nous mettons en place pour son déploiement.
*Mamadou Biteye, Ordre de l’Empire britannique (OBE), est le Directeur général du Bureau Régional Afrique de la Fondation Rockefeller.
Auteur: Mamadou Biteye | Directeur général du Bureau Régional Afrique de la Fondation Rockefeller