Amnesty International a procédé au lancement de son rapport annuel 2024/2025, sur la situation des violations des droits humains dans le monde, liées aux conflits armés, aux repressions violentes des dissidences, au changement climatique, à la liberté d’expression et d’association etc, le mardi 29 avril 2035, à Abidjan. Le rapport consacre, également, un chapitre à la situation des droits humains en Côte d’Ivoire, à l’approche de la présidentielle d’octobre 2025.
Selon M. Kokou Hervé Delmas, directeur exécutif Amnesty International, qui présentait la situation des droits humains en Côte d'Ivoire, le pays a fait des progrès en matière de législation sur les droits des personnes, mais le défi commun, reste l’application de ces lois.
« On ne peut pas être le premier pays africain, où il y a une loi pour les défenseurs des droits humains puis dans ce pays on ne peut pas organiser une marche, faire un sit-in, etc », a-t-il dénoncé.
Avant de déplorer l’emprisonnement de l’enseignant syndicaliste Ghislain Assy Duggary (il a été arrêté dans la nuit du mercredi 2 au jeudi 3 avril 2025, et placé sous mandat de dépôt, avant d’être condamné à 2 ans de prison ferme). « En tant que syndicaliste, sa place n'est pas dans les prisons, sa place est dans les écoles ; il faut qu’il soit libéré. Pour Amnesty, une personne qui est arrêtée pour ses idées, on demande sa liberté immédiate et sans conditions », a-t-il insisté.
« Nous avons mis l’accent aussi sur les encagoulés, parce que ce n’est pas normal pour un pays qui a une loi pour les défenseurs des droits humains et une Constitution qui garantit les droits humains et devoirs des citoyens, on ne peut pas envoyer des personnes encapuchonnées pour traumatiser des enfants ; nous disons qu’il y a des voies légales pour convoquer et interroger ces personnes », a soutenu M. Kokou Hervé Delmas, estimant que les formes d’arrestation ne sont pas dignes de l’Etat de Côte d’ivoire qui se présente comme un État moderne.
En outre, le directeur exécutif Amnesty International a attiré l’attention des autorités ivoiriennes sur la situation des droits humains en huit axes. Le premier concerne la liberté d’expression et de réunion pacifique : il note que des dispositions juridiques allaient contre les normes internationales relatives aux droits humains dans la mesure, ou elles prévoyaient des peines d’emprisonnement pour des actes qui ne devraient pas constituer des infractions (l’article 183 du code pénal et les articles 1977 à 199). Le deuxième concerne la liberté d’association : il a décrié l’ordonnance prise le 12 juin 2024 règlementant les activités des organisations de la société civile, exigeant d’elles un rapport annuel de leurs actions, et qui permet aux autorités de dissoudre toute organisation par décret, sans aucun recours. Le troisième met en évidence la torture et autres mauvais traitements : en août 2024 des observations finales publiés par le comité contre la torture (ONU) s’est réjoui de l’adoption de la loi Num 2024-358 du 11 juin 2024, portant modification du code pénal ; renforçant les peines encourues pour les actes de torture commis par les représentant-e-s de l’Etat ou toute autre personne agissant en son nom. Le quatrième axe s’intéresse au droit à la vérité, à la justice et des réparations : il a déploré la loi d’amnistie de 2018 dont a bénéficié une centaine de personnes accusées ou reconnues coupables d’avoir commis des infractions la crise postélectorale de 2011. Expulsions forcées (cinquième axe) : Amnesty a déploré les opérations de déguerpissement de janvier 2024 dans le district d’Abidjan, sans la prise en compte des droits des personnes concernées comme les déguerpis de Gesco. Sur le sixième axe, droit des femmes et filles, il a fait observer que des dispositions juridiques bafouaient les droits des femmes, notamment l’article 403 du code pénal. Lequel accordait l’impunité aux violeurs au motif que la présomption de consentement valait. Sur le droit des enfants (septième axe), a confié M. Kokou, le rapporteur spécial des Nations-Unies a exprimé ses inquiétudes face à la persistance du travail des enfants, en particulier dans le secteur de l’exploitation artisanal des mines d’or, l’agriculture et le travail domestique dans notre pays. Le huitième axe concerne le droit à l’environnement sain avec le FMI qui a accordé un prêt de 1,3 milliard de dollars des Etats-Unis au pays pour le renforcement de sa résilience dans le domaine du climat et opérer sa transition vers des énergies renouvelables.
De son côté, Me Bonfin Hervé, président du conseil d’administration, a présenté la situation de la violation des droits humains sur la zone Afrique. Selon lui, les violations des droits humains se matérialisent par des conflits armés (Soudan, Burkina, Mali, Niger, Congo-RDC etc), le changement climatique, les méthodes répressives utilisées par des États, les attaques visant des droits à la liberté d’expression, les arrestations et détentions arbitraires d’opposant-e-s, de défenseur-e-s des droits humains, de journalistes, personnes critiques à l’égard des autorités etc.
« Les parties aux différents conflits armés doivent respecter le droit international humanitaire, notamment en protégeant la population civile, les institutions religieuses, les établissements d’enseignement et les autres biens culturels et en cessant de mener des attaques sans discernement ou ciblant des personnes ou des infrastructures », a-t-il encouragé.
Me Bonfin a aussi souligné plusieurs autres violations des droits humains, notamment les violences sexuelles, le droit à alimentation, le droit à l’éducation, le droit à la santé, les expulsions forcées, la répression de la dissidence, la liberté d’expression(Cameroun, Madagascar, Ouganda etc), la liberté de la presse(Guinée, Angola, Nigeria etc ), la liberté d’association(Côte d’Ivoire, Guinée, Ouganda etc), le droit à un environnement sain, la discrimination et la marginalisation, le droit à la justice et des réparations, etc.
Pour lui, les Etats doivent renforcer les mesures destinées à prévenir et combattre l’impunité en diligentant des enquêtes approfondies, indépendantes, impartiales, efficaces et transparentes sur les crimes de droit international et les autres graves atteintes aux droits humains…
« La protection des droits humains doit être une priorité pour les dirigeants de nos États en Afrique et dans le monde entier, car il n’y a pas d’Etat viable et prospère sans la protection des droits humains », a soutenu Me Bonfin Hervé.
Il faut préciser que des représentants de partis politiques dont le RHDP, le PPA-CI, le FPI et le COJEP étaient à cette ceremonie de lancement du rapport annuel 2024/25 sur la situation des droits humains dans le monde.
Auteur: Daniel Coulibaly