Serge Trigano, fondateur des hôtels Mama Shelter (symbolisés par leurs architectures singulières) et ex-président du club méditerranéen, l’un des pionniers du tourisme en Côte d’Ivoire, était l’invité spécial de la 5ème édition de la Conférence internationale du tourisme et de l’hôtellerie en Afrique (CITHA), un événement annuel organisé par Voltère by Egis. L’homme d’Affaires français d’origine algérienne parle de l’évolution du secteur, de son avenir dans un environnement marqué par l’avènement de l’Intelligence artificielle.
Vous êtes à Abidjan dans la cadre de la CITHA 2025, que représente pour vous un tel événement ?
La CITHA est une occasion d’échanges entre le public et le privé. Nous avons eu une table ronde au cours de laquelle, le ministre ivoirien du Tourisme est venu présenter son plan d’actions, en montrant la volonté du pays de se positionner à une meilleure place dans le trio de tête de la destination tourisme d’affaires, surtout avec le Parc des expositions d’Abidjan. La Côte d’Ivoire a tout le potentiel, avec un super paysage, une culture, un accueil extraordinaire fait de chaleur, dans l’opérationnel que dans la partie technique. Nous sommes là pour faire en sorte que ces projets avancent et pour contribuer à ce projet. Le constat est que 25% des projets en Afrique se matérialisent. Nous voulons contribuer à faire évoluer ce pourcentage dans les 5 prochaines années.
Vous êtes le fondateur du Mama Shelter, ancien président du club Med, quel est votre regard sur le tourisme ivoirien ?
Je pense qu’il y a beaucoup à faire pour le tourisme en Côte d’Ivoire. C’est plus une volonté politique qu’une question d’argent. J’ai eu la chance d’être à Assinie et d’accueillir le président Houphouët Boigny qui avait fait du tourisme une vraie priorité. A mon avis, certains États doivent exprimer leur volonté de développer ou pas le tourisme. Le tourisme algérien est moins développé par manque de volonté politique comme dans bien d’autres pays. Il faut faire le choix de favoriser le tourisme comme c’est le cas en Côte d’Ivoire. C’est juste une question de bon sens et d’être à l’écoute du client, on n’a pas besoin d’être de grands génies. Voyez-vous si on doit passer 1 heure, 2 heures à l’aéroport pour rentrer dans le pays, comme je l’ai connu lors de mon arrivée pour la CITHA, ce n’est pas avec ça qu’on va attirer les touristes. Je crois qu’il faut faciliter un certain nombre de choses, l’entrée, l’obtention du permis de séjour au niveau administratif.
Lors de la CITHA 2025, vous êtes intervenu sur le thème : « réinventer le tourisme : vision d’un pionnier ». Pourquoi pour vous, il faut réinventer le tourisme ?
L’enjeu aujourd’hui, avec le digital, les clients sont informés de tout. Quand les clients arrivent quelque part, ils savent tout grâce au réseau internet et aux réseaux sociaux. C’est à nous de tenir compte, il faut tenir compte de leurs besoins, afin d’offrir des expériences clients uniques. Quand on visite un pays ; on a envie de rencontrer des gens, de connaitre leur culture, la musique, la mode. En Côte d’Ivoire, il y a des créateurs formidables, qu’il faut faire connaître, avant d’aller à la plage. Ça c’est une évolution. Aujourd’hui, on a envie de comprendre ce qui se passe dans un pays, comment ça fonctionne, de parler avec les jeunes, de ce qu’ils ont envie de faire. C’est cela le vrai changement d’aujourd’hui.
On parle de plus en plus de l’Intelligence artificielle (IA), est-ce que l’IA est une menace pour l’avenir du tourisme ?
Rien ne peut remplacer le tourisme, rien ne peut remplacer le sourire ou la gentillesse d’un homme. Quelque soit l’innovation l’humain reste toujours le maître du jeu. Je pense qu’il faut continuer à se battre pour développer ce tourisme-là, qui est créateur d’emplois
Justement aujourd’hui on parle des hôtels lifestyles où on peut trouver de tout (musique, sport, espace d’échanges), est-ce que pour vous c’est l’avenir du tourisme ?
C’est l’une des pistes de l’avenir et c’est nous qui l’avons lancé avec le Mama Shelter. Mais n’oublions pas qu’il a encore des gens qui veulent les hôtels classiques, comme Pullman et bien d’autres. Ce qu’il y a mieux est qu’il faut ouvrir le choix. Autant, il y a des gens qui aiment le lifestyle, de la musique, autant il y a des gens qui veulent le calme traditionnel. Il y aussi des gens qui veulent aller au bord de la mer ou encore visiter l’intérieur du pays. Les touristes ont envie de tout cela et il faut que nous soyons capables de leur offrir des alternatives.
Vous avez évoqué plusieurs concepts, le tourisme moderne, le tourisme populaire, le tourisme des séniors, à quoi renvoie tous ces concepts ?
Ce que je dis, par exemple aujourd’hui on critique le surtourisme c’est-à-dire le touriste qui visite un même endroit ; mais je suis moins choqué, car ça fait partie des défauts de notre métier qu’il faut corriger. Ce que j’appelle le tourisme Sénior, c’est ce tourisme qui s’adresse à des gens qui vieillissent et qui ont envie d’avoir des hôtels qui correspondent à leur mode de vie. En France, on développe une marque qu’on appelle ‘’Casa Barbara’’ pour accueillir les hommes et les femmes du troisième âge qui se retrouvent parfois seuls. Il y a un premier hôtel à Nice et nous allons développer le concept. Il y a des jeunes qui ont envie d’autres choses, il y a des moins jeunes mais c’est à nous d’offrir des possibilités pour tous ces gens-là.
Pour vous, quel est aujourd’hui les besoins de tourisme pour un pays comme la Côte d’Ivoire que vous connaissez bien ?
Le besoin est gigantesque. Il y a tout à inventer. Que ce soit à Assinie ou San-Pedro, Grand-Bereby, la Côte d’Ivoire a un potentiel inimaginable. Il y a la côte ouest qui reste à développer. Le pays a tout pour réussir. Mais, il y a un travail énorme à faire.
Serge Trigano, envisagez-vous de revenir en Côte d’Ivoire pour participer à la dynamique de développement du pays ?
Ah oui, bien sûr.
Auteur: Entretien réalisé par Eugène Yao