Côte d'Ivoire-Gesco Rivière : un an après les démolitions, les victimes toujours sans indemnisation

Abidjan, le vendredi 21 février 2025(LDA)-Un an après les expulsions forcées sur le site de Gesco Rivière à Abidjan, les 133 fermiers, leurs employés et leurs familles attendent toujours d'être indemnisés pour la perte de leurs moyens de subsistance. Amnesty International exhorte les autorités ivoiriennes à tenir leurs engagements et à procéder sans délai aux compensations promises.

Le 21 février 2024, les enclos et bassins de pisciculture appartenant aux membres de l’association Agro-Past Eburny ont été démolis sans consultation ni notification, préalables. Installés depuis 2011 sur un espace de 4,6 hectares octroyé par une société d’État pour la création d’une zone agro-pastorale, ces agriculteurs se retrouvent aujourd’hui démunis. Un an après ces démolitions, et malgré la suspension des expulsions forcées en novembre 2024 ainsi que les engagements des autorités à indemniser et reloger les personnes affectées, aucun des fermiers n’a reçu de compensation pour ses pertes estimées à 650 millions de FCFA, soit environ un million d’euros.

Marceau Sivieude, directeur régional par intérim d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, rappelle que les engagements pris doivent se traduire en actions concrètes.

De son côté, Guillaume Ballé Zilé, président de l’association Agro-Past Eburny, dénonce le silence des instances gouvernementales concernées, notamment le ministère de la Production animale et des Ressources halieutiques, la mairie de Yopougon et le District autonome d’Abidjan.

" Plus de 300 familles ont basculé dans la pauvreté à la suite de ces expulsions. Outre les fermiers et leurs familles, 171 employés ont perdu leur travail et leur logement de fortune sur le site. Beaucoup d’entre eux n’ont plus les moyens de subvenir aux besoins de leurs proches ni de payer les frais de scolarité de leurs enfants. Certains enfants ont dû arrêter l’école pour aider financièrement leurs familles", a-t-il confié à Amnesty International.

Les témoignages recueillis sont poignants. Un fermier amputé du pied, qui avait investi l’intégralité de son assurance dans l’élevage de lapins et la pisciculture, a été contraint de s’installer chez sa mère avec sa femme et son enfant. Un autre, retraité, vit désormais dans une cabane de fortune dans la forêt du Banco, près de sa ferme détruite. Une veuve de 65 ans atteinte de diabète affirme ne plus pouvoir suivre son traitement médical faute de moyens.

En août 2024, Amnesty International a documenté des violations des droits humains touchant des dizaines de milliers de familles expulsées sans préavis ni dédommagement dans plusieurs quartiers d’Abidjan. En mars 2024, les autorités avaient promis une aide de 250 000 FCFA par foyer dans les quartiers de Boribana et Gesco. En novembre 2024, elles ont annoncé la suspension des expulsions et la mise en place de solutions de relogement ainsi que d’un soutien aux activités génératrices de revenus. Cependant, les mesures promises tardent à se concrétiser, laissant les victimes dans une situation de grande précarité.

Amnesty International insiste sur la nécessité pour les autorités ivoiriennes de respecter leurs engagements et de veiller à ce que les personnes affectées reçoivent sans délai les indemnisations dues. Les expulsions doivent se conformer aux normes nationales et internationales en matière de droits humains, notamment celles de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ratifiés par la Côte d’Ivoire en 1992.

Entre janvier et juin 2024, les vastes opérations de démolition menées à Abidjan ont conduit à l’expulsion forcée de dizaines de milliers de résidents. Ces démolitions s’inscrivent dans un plan annoncé le 26 février 2024 par le District autonome d’Abidjan, visant la destruction de 176 sites jugés à risque d’inondation. Pour les familles touchées, il est urgent que la justice soit rendue et que leurs droits soient respectés.

 

Avec Amnesty International 

 

Auteur: MC

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