Décidément, on n’en finira pas de si tôt avec cette affaire d’écoutes téléphoniques qui commence depuis ces derniers mois à mettre à mal les relations entre Abidjan et Ouagadougou.
On le sait, l’affaire connait une accélération depuis quelques jours avec l’émission d’un mandat d’arrêt international du Burkina contre le président de l’Assemblé nationale ivoirienne, Guillaume Soro, pour sa présumée implication dans le putsch manqué contre les autorités de la transition burkinabé en septembre dernier.
Une accusation motivée par des enregistrements de conversations téléphoniques entre deux hommes présentés comme M. Soro et l’ex-ministre des Affaires étrangères burkinabé Djibril Bassolé, au cours desquels il est question d’apporter un soutien logistique et financier au hommes du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), conduits par le général Gilbert Diendéré, principal auteur de ce coup d’Etat.
Voilà que ce vendredi 22 janvier 2016, Radio France internationale (RFI) diffuse dans son édition du Journal Afrique des bandes sonores d’écoutes, enregistrées selon ce média par les services de sécurité burkinabé, dans lesquelles on entend des voix attribuées au chef d’Etat-major de Côte d’Ivoire, général Soumaïla Bakayoko, et au lieutenant-colonel Koné Zakaria, qui encourage respectivement le général Diendéré et son Fatou Diendéré à ne pas baisser les bras et à continuer dans l’action du putsch.
Au moment de ces échanges téléphoniques, rappelle-t-on, le général Diendéré est en difficulté, reclus avec ses hommes sur leur base à l’ouest de Ouagadougou, alors que l’armée loyaliste a encerclé la ville. Ecoutes.
Zacharia Koné à Fatou Diendéré (épouse du général Diendéré)
« Ne vous en faites pas, ici vous avez beaucoup de soutiens la vieille, beaucoup de soutiens ! Même si c’est un affrontement, vous avez beaucoup de soutiens. Que ce soit en hommes, que ce soit d’autres… On ne peut pas tout dire. Mais c’était ma première fois de voir le général Bakayoko couler une larmes »
Général Bakakoyo à Diendéré
« Parce que si tu ne fais pas ça et que tu restes coincé comme ça… Tôt ou tard, l’issue va se resserrer, se resserrer, se resserrer et tu n’auras plus aucune marge de manœuvre. Et là, d’abord, ils vont tout mettre sur toi. Ça il faut le savoir. Politiquement ils vont te dire tu es le plus gradé, tu es un général. Ils vont estimer que c’est toi qui as mis les gens dans cette situation-là. Et si tu ne fais pas attention, tes propres petits vont se retourner contre toi. Et après c’est vous et vos familles qui vont payer. Donc s’il y a des garçons là-bas, vraiment c’est des choses qui… parce que dans ce cas, je dis, il n’y a pas deux solutions. Tu comprends ? Si tu laisses faire calmement pour te dire : ‘bon, Dieu le veut’, une fois que tu arrives chez eux là-bas, c’est pour finir avec toi, ça c’est clair ! Je suis au regret de le dire… Si ce n’est pas eux, ce sont tes propres petits qui vont se dire, bon ben vraiment pourquoi ils t’ont suivi jusqu’à présent. Conclusion, tu es condamné à mener l’action. Donc monte un truc bien. Quoi que ce soit, je ne sais pas. Mais dès que les gens disent "non c’est très simple, c’est parce que ce garçon peut plus déposer (les armes NDLR). C’est que les garçons n’ont qu’à venir nous prendre ici et puis on n’en parle plus". Nous on dit, "tout ça, on ne peut concevoir ça", et là, le grand chef là, Mogho Naba, va appeler les gens, ainsi de suite… »
Comme on le voit l’affaire des écoutes téléphoniques est vraisemblablement en train de prendre une autre tournure. Et l’axe Ouaga-Abidjan d’en subir une bonne part de dégradation.
Armand Tanoh
Auteur: Armand Tanoh