Le 25 octobre, la Côte d’Ivoire s’apprête à écrire un nouveau chapitre de son histoire politique. Cinq candidats, cinq sensibilités, cinq trajectoires. Ce scrutin ne se résume pas à un duel de personnalités : il oppose deux conceptions du destin national : la stabilité contre l’alternance, la continuité contre le renouveau. Un test grandeur nature pour la maturité démocratique des Ivoiriens.
Alassane Ouattara, la continuité en question
Le président sortant, Alassane Ouattara, s’avance en homme d’expérience. Économiste de renom, ancien gouverneur de la BCEAO et du FMI, il a redonné au pays une stabilité macroéconomique et une visibilité internationale. Sous sa gouvernance, la Côte d’Ivoire s’est transformée : routes, ponts, universités, barrages, zones industrielles.
Mais en sollicitant un ultime mandat, Ouattara s’expose à une critique récurrente : celle d’un pouvoir trop long. Ses partisans louent sa rigueur et son bilan ; ses détracteurs y voient une démocratie verrouillée. Dans un environnement régional instable, il mise sur la sécurité et la continuité pour convaincre que l’expérience reste la meilleure garantie contre le chaos... et pour "Une Grande Côte d'Ivoire".
Simone Ehivet Gbagbo, le pardon et la reconquête
L’histoire politique retiendra sans doute son étonnant retour. Après la prison, la chute de son ex-époux et un divorce à la limite humiliant, Simone Ehivet Gbagbo s’est relevée, prônant le pardon et la réconciliation. “J’ai tout pardonné”, confie-t-elle, reconnaissant publiquement les erreurs du passé et demandant à son tour le pardon du peuple ivoirien.
Longtemps considérée comme la tête de file de l’aile dure du pouvoir pro-Gbagbo des années 2000, elle affiche désormais un ton apaisé et rassembleur. La République l’a amnistiée ; elle a fait amende honorable. Si l’État lui a pardonné, pourquoi pas le peuple ? Pour des partisans de Laurent Gbagbo lucides sur les limites de leur chef historique, sa candidature incarne à la fois la revanche morale et la voie d’une alternance pacifiée. D’autant plus que ce dernier (L. Gbagbo) vient de susciter une vive émotion en annonçant, lors d’une interview accordée au journaliste Alain Foka le mercredi 22 octobre 2025, son retrait prochain de la vie politique active, probablement dès le début de 2026.
Jean-Louis Billon, la dernière carte du PDCI ?
Considéré comme l’un des hommes les plus riches du pays et le deuxième employeur après l’État, Jean-Louis Billon combine l’aisance du chef d’entreprise et la rigueur du gestionnaire. Ancien ministre du Commerce, il s’impose comme le visage d’une génération qui veut gouverner autrement.
Pour lui, la politique doit redevenir une affaire de compétence et de résultat. Il parle de décentralisation, de transparence, de gouvernance par la performance. Dans un système politique dominé par les figures historiques, Billon incarne le pragmatisme et l’efficacité. Son pari : convaincre que la modernisation du pays doit aussi passer par le renouvellement des visages.
Ahoua Don Mello, l’ingénieur du changement
Ancien directeur du BNETD et ministre sous Gbagbo, Ahoua Don Mello avance une candidature d’idées, plus que de posture. Ingénieur des ponts et chaussées, il prône une Côte d’Ivoire souveraine et autosuffisante. Sa vision repose sur l’industrialisation endogène, la relocalisation de la valeur ajoutée et la refonte des politiques économiques.
Il critique ouvertement la dépendance aux importations et appelle à une “renaissance technique et productive”. Son discours, plus intellectuel que politique, séduit les milieux académiques et les jeunes technocrates. Don Mello veut prouver qu’on peut gouverner avec méthode et conviction, sans céder au populisme.
Henriette Lagou, la voix de la paix et de la justice
Ancienne ministre de la Femme et de la Famille, Henriette Lagou Adjoua revient avec un projet résolument humaniste. Présidente du GP-PAIX, elle fait de la réconciliation nationale et de l’inclusion des femmes le cœur de son engagement. Dans une campagne souvent tendue, son discours tranche par son calme et son sens du consensus.
Elle propose un gouvernement paritaire, des politiques sociales fortes et un appui massif aux PME. Pour elle, la paix n’est pas un mot, c’est une méthode. Son pari : prouver qu’une autre manière de gouverner, plus juste et plus empathique, est possible dans un pays encore marqué par les blessures du passé.
Voter, c’est choisir
Au-delà des candidats, cette présidentielle est un test pour les électeurs. L’abstention n’est pas une opinion, c’est une démission. Vous ne voulez pas du “quatrième mandat” ? Exprimez-vous dans les urnes, pas dans la rue. Vous souhaitez, au contraire, que le président sortant poursuive son œuvre ? Allez voter pour lui.
La pire erreur serait de s’abstenir, par colère ou par excès de confiance pour un "tako kélé". En démocratie, aucune victoire n’est acquise d’avance. Le 25 octobre, les Ivoiriens n’ont pas seulement rendez-vous avec des bulletins, mais avec leur conscience. Ils sont là, choisissons donc !
Auteur: Mamadou Traoré