Par Mamadou Traoré
En politique, il est parfois plus stratégique de différer que d’annoncer. Et ce week-end à Abidjan, au terme de deux jours d’une "démonstration de force" du RHDP, Alassane Ouattara a choisi le contretemps, celui du chef d’État qui n’agit ni dans l’émotion, ni sous pression. Face aux acclamations d’Ebimpé et aux appels à une nouvelle candidature, sa réponse a surpris : " Je vous ai entendus. Je vous ai compris. Mais je suis le président de tous les Ivoiriens. Je prendrai ma décision très bientôt" . Pour ne pas dire... "en toute responsabilité!".
Dans un continent où le théâtre politique se confond trop souvent avec une mise en scène d’adhésion populaire surjouée, le président ivoirien a pris une autre voie : celle de la retenue. Ni oui, ni non. Mais une assertion claire de sa souveraineté décisionnelle. À rebours des déclarations désormais classiques dans les démocraties africaines — « Je me plie à la volonté du peuple et du parti » — Alassane Ouattara a réaffirmé une vérité républicaine élémentaire : c’est à lui, en dernier ressort, qu’appartient le choix.
Ce positionnement ouvre une brèche intéressante. Il recentre le débat sur la notion de responsabilité individuelle dans l’exercice du pouvoir. Il réhabilite la fonction présidentielle comme celle d’un arbitre, non d’un homme otage de sa base. Et, ce faisant, il redonne sens au temps politique : celui de la réflexion, de la maturation, non de la précipitation électoraliste.
Il serait prématuré de conclure que le chef de l’État renoncera à une quatrième candidature. Mais ce qu’il a mis en scène à Ebimpé, ce n’est pas une investiture, c’est une distance. Une manière de dire que si l’attente est populaire, la décision, elle, reste institutionnelle. Une nuance de taille.
Dans un pays où les prochaines élections s’annoncent tendues, entre recomposition de l’opposition et fatigue démocratique d’une partie de la jeunesse, ce signal compte. Il dessine un leadership moins émotionnel, plus réfléchi. Et peut-être, une nouvelle manière de faire de la politique en Afrique.
Auteur: LDA Journaliste
