Le vent en poupe depuis son apparition en Côte d’Ivoire avec l’arrivée de Jumia, le e-commerce ivoirien va mal. A part le leader du secteur Jumia Côte d’Ivoire qui lui permet de tenir la barre, Kerawa, Africashop, Afrimarket et Yaatoo(les plus connus) viennent de quitter le navire de l’économie numérique ivoirienne. Qu’est-ce qui a bien pu se passer pour que ces structures spécialisées dans la vente en ligne ferment presque toutes la même année : 2019 ?
Quand Jumia a fait son apparition en 2012, la société a foncièrement changé les habitudes d'achat des Ivoiriens. La plupart d'entre eux qui découvrait ce mode de commerce se voyait livrer leur achat à domicile ou leur lieu de préférence avec gaieté.
Jumia venait de marquer un grand point dans le système de commerce et marketing avec cette vente jusque-là très développée en Europe, Asie et Amérique et peu en Afrique. Depuis, le site de commerce en ligne s’est installé dans les habitudes d’achat et de vente des Ivoiriens. Une prouesse qu’avait réussi la direction générale de cette entreprise dirigée par Francis Dufay. C’était l’économie numérique ivoirienne qui venait de faire un grand pas après plusieurs années de tâtonnement.
Afrimarket, Yaatoo, Kerawa, Africashop, dans le même registre, sont arrivées sur le marché quelques années après. Et cela pour le bonheur du gouvernement ivoirien qui avait mis en place des mécanismes pour lancer cette économie. En effet, il s’est donné comme ambition d’assurer le Développement par les TIC, de sorte à créer les bases pour le déploiement d’une économie numérique pouvant impacter durablement l’économie, changer en profondeur le fonctionnement de l’économie sociale, et créer les fondamentaux pour une économie du savoir au service des populations ivoiriennes. Surtout que cette économie englobe l’ensemble des activités économiques créatrices de valeurs et d’emplois qui utilisent un support numérique, à savoir des plateformes telles que les réseaux internet, mobiles y compris de commerce électronique.
Discount.ci : une mort subite après 2 ans
Discount Côte d'Ivoire a été créé en 2014 par le groupe français Cdiscount fondé en 1998. Son siège était dans un local non loin de la place de la République, côté route de la présidence à quelques enclabures de la montée du pont Felix Houphouet Boigny. Et la structure n’a pas fait long feu. Après seuelemnt 2 ans d’exercice, elle est morte de sa belle mort comme au Sénégal, au Cameroun, au Panamá, au Vietnam, en Colombie, en Équateur, en Thaïlande, etc. La direction s’est bien cognée la tête contre plusieurs murs avant de se résoudre à abandonner.
« En décembre 2016, en toute discrétion, CDiscount a mis un terme à son aventure africaine en stoppant les activités de sa dernière filiale active sur le continent : celle de Côte d’Ivoire. Six mois après la mise en veilleuse des filiales du Sénégal et du Cameroun, c’est une aventure débutée en juin 2014 qui vient de prendre fin », fait savoir Jeuneafrique dans sa parution du 10 février 2017 sur cet échec.
L'entreprise, Discount.ci, a disparu du marché du e-commerce ivoirien comme elle est apparue et sans laisser de traces. Le problème: le manque de stratégie d’adaptation au marché africain. Ce que jeuneafrique a qualifié des difficultés opérationnelles propres à l’Afrique.
Voilà comment le leader français du commerce électronique a échoué de façon lamentable en Côte d’Ivoire dans ce secteur comme partout où il est passé. Mais les annales du commerce en ligne ivoirien n’oublieront jamais cette mort subite de Discount en terre ivoirienne.
Afrimarket et Yaatoo : mort lente et périlleuse…pour finir en 2019
Il aura fallu attendre précisément en 2014 pour voir cette entreprise fondée en 2013 en France, par un trio d’entrepreneurs d’origine française que sont Rania Belkahia, Jeremy Stoss et François Sevaistrese, se déployer à Abidjan en Côte d’ivoire à Cocody au carrefour Faya.
Afrimarket.ci livrait des produits électroménagers tels que des fers à repasser, des friteuses, des mixers, des portables, des montres connectées, des télévisions LED ou des micro-ondes. Il y a aussi des produits alimentaires (sardines, riz, du sucre, du lait, du poulet, de l’huile). Cela a même conduit jumia a commercialisé aussi du vivrier sur son site. Ce qu’il ne faisait pas dans ses débuts. A cela s’ajoute la mode (des Tee-shirt, des robes, des jeans) de beauté (tondeuses à cheveux, sèche-cheveux, savons et déodorants) et même de maison (des chaises, des canapés, des accessoires de rangement). Afrimarket.ci va réussir à s’imposer sur le marché de la capitale économique ivoirienne et deviendra un concurrent sérieux pour Jumia. L’entreprise ira même livrer à l’intérieur du pays comme Jumia puisque ses offres étaient plus ou moins abordables que celles offertes par le géant nigérian.
Afrikmarket a été pendant au moins 6 années de présence en Afrique de l’Ouest dont 5ans en Côte d’Ivoire, un concurrent sérieux pour Jumia. Mais comme toute entreprise, la structure a commencé à connaitre des difficultés. « A partir de 2018, alors que la société atteignait un chiffre d’affaire de 30 millions d’euros, ses fondateurs ont cherché à lever 20 millions d’euros. Deux investisseurs se sont alors montrés particulièrement intéressés, mais après huit mois d’audit de pré-levée, ils ont renoncé à investir au milieu de l’été 2019 », souligne jeuneafrique dans sa parution du 13 septembre 2019. Afrikmarket résistera pendant un bon moment avant de plier l’échine définitivement en 2019. Hélas ! La cause de ce renoncement « trop de difficultés à lever les fonds suffisants pour atteindre la taille de « mastodonte », a confié sa fondatrice Rania Belkahia, au magazine, nécessaire, selon elle, pour se maintenir dans le e-commerce africain.
Le cas Yaatoo. Pour simplement dire : « Il y a du tout ici », c’est-à-dire toute sorte d’articles, est un produit du groupe Prosuma, spécialisé dans la grande distribution en Côte d'Ivoire. Il a lancé en juillet 2016. Il arrive 2 ans après Afrikmarket. L’objectif était de vendre à travers ce site internet ses produits alimentaires et non alimentaires disponibles dans ses supermarchés Porsuma (Hyper Hayat, Casino, Soccocé, Cash Ivoire, Cash center, Jour du marché et Bonprix). Comme Afrikmarket, Yaatoo connaîtra une mort lente et périlleuse avant de fermer après 3 ans d’exercice sur le marché du e-commerce ivoirien. Et pourtant Yaatoo était si bien parti.
On n’oublie pas aussi les deux moins connus : Kerawa, Africashop qui on fermé boutique cette même année 2019.
Qu’est-ce qui n’a pas marché dans le fonctionnement de ces entreprises provoquant leur fermeture à trois mois de la fin d’année ? Pressions fiscales ? Ou tout simplement Jumia n’a laissé aucune marge de manœuvre à ces concurrents ? Il y a lieu de s'interroger en tout cas.
Jumia : seul maître à bord du navire, mais doit se méfier
«Le malheur des uns fait le bonheur des autres » dit l’adage. Et bien la disparition de Yaatoo Afrikmarket, Kerawa, Africashop fait bien l’affaire de jumia Côte d’Ivoire désormais seul à bord du navire du marché en ligne. Ce ne sont pas les responsables de cette entreprise qui diront le contraire sur la chute des quatre concurrents dans le secteur.
Si l‘entreprise tient sa position de leader sur le marché ivoirien du commerce en ligne, rien ne garantit toutefois sa survie si un certain nombre de précautions ne sont pas prises par la direction générale de l’entreprise. Comme Yaatoo, Afrimarkek, Kerawa et Africashop, Jumia pourrait fermer aussi.
En juillet 2019, des agents ont entamé une grève de trois jours pour réclamer les meilleures conditions de travail. Cette grève a bel et bien secoué l’entreprise. Qui a été obligée pour son calme de se libérer des grévistes, dit-on. Ce qui veut dire que malgré un bon chiffre d’affaires annuel, l’entreprise ne traite pas comme il se doit ses employés.
La chute du site de commerce en ligne pourrait venir aussi de la défaillance de certains articles vendus par les boutiquiers. Maintes fois des clients se sont plaints des produits défaillants à eux livrés. Il s’agit surtout des articles locaux. A cela s'ajoute le manque de courtoisie des livreurs de jumia qui fâchent bien des clients et bien d’autres griefs qui ont conduit de nombreuses personnes à ne plus acheter sur jumia. Aujourd’hui nombreuses sont ces personnes convaincues que les produits vendus sur jumia ne sont plus de qualité. Quand elles voient le virtuel et la réalité il y a un grand écart. Une sorte d’arnaque qui ne dit pas son nom. Et cela parce que l’entreprise a ouvert son centre commercial virtuel à toute sorte de vendeurs.
Tous ces manquements pourraient concourir à une baisse du chiffre d’affaires du géant nigérian qui a fait une entrée de 332 milliards de FCFA en 2017 avec une croissance annuelle de 94%. Au niveau international, le géant nigérian a connu bien des difficultés financières cette année 2019. Mais la force de Jumia, c’est son leadership. Un acquis qui fait que plusieurs structures qui veulent se lancer dans le secteur sont obligées de passer un partenariat avec lui. C’est le cas de Carrefour en Côte d’Ivoire, Edenred, le géant français des solutions de paiement. L'entreprise connait un succès au Nigéria, en Egypte, au Maroc, au Kenya et en Afrique du sud.
Il faut le dire tout net. La disparition de ces quatre entreprises qui animaient le commerce en ligne en Côte d'Ivoire est un coup dur pour l’économie numérique ivoirienne.
Doit-on donc compter avec Jumia pour tenir le e-commerce ivoirien pendant encore des années ?
Daniel Coulibaly
Auteur: LDA Journaliste
