Indifférence générale est la caractéristique dominante de la campagne électorale qui a démarré le 25 novembre dernier pour les élections législatives anticipées du 17 décembre en Tunisie.
En témoignent, des candidats inconnus, des partis politiques exclus et un scrutin de liste contesté. Dans certaines circonscriptions, faute de candidats, il n’y aura pas même d’élections.
Les quelques personnes qui ont réussi à se présenter figureront d’office dans le futur parlement. Enfin et, non des moindres, l’Instance supérieure indépendante des élections (ISIE), qui aura à piloter ce rendez-vous, est pointée du doigt par la majorité des composantes de la société civile, pour son inféodation au Président de la république et sa perte de son indépendance.
Manifestement, en l’absence d’une campagne électorale digne de ce nom, ce qui retient plutôt l’attention d’une opinion publique, gagnée par le scepticisme, à une semaine de ce scrutin, ce sont les manifestations anti-pouvoir du samedi dernier.
Des centaines de Tunisiens ont manifesté à Tunis à l’appel du Front de salut national, pour exiger le départ du président Kaïs Saïed et ce, dans un contexte de crise économique, marquée ces derniers mois par des pénuries récurrentes de denrées de base et une forte inflation.
Dans un climat de tiédeur, le scrutin du 17 décembre s’annonce différent de tous ceux qui l’ont précédé.
D’après les observateurs, il doit déboucher sur un nouveau Parlement sans véritables pouvoirs et marquera une nouvelle étape dans le processus de mise en place d’un système ultra-présidentialiste qui actera un mode de gouvernance par la base, tel que conçu et voulu par le président Saïed.
Partant, la campagne électorale a été on n’en peut plus atone, incolore et inodore.
Les quelque 1.055 candidats en course pour les 161 sièges, aux profils très divers avec le système de scrutin uninominal à deux tours, n’ont pas réussi à attirer l’attention, ni par leurs discours, ni par le programme qu’ils proposent et encore moins par leur attitude parfois un peu loufoque.
Hormis les réactions de dépit exprimées par de nombreux citoyens sur leur capacité à apporter quelque chose au pays dans le contexte difficile actuel ou sur leur propension à fournir des réponses à des milliers de jeunes qui végètent dans le chômage, les analystes déplorent surtout, à travers leur passage dans les médias audiovisuels, leur discours complètement déconnecté des réalités et parfois même hilarant.
Les candidats, en majorité apprentis politiciens, sans aucun encadrement, ont provoqué, lors de leur passage à la télévision ou dans les contacts directs qu’ils ont effectué dans les régions, railleries et questionnements.
Pour s’en convaincre, il y a lieu de noter que sur les 1.055 candidats, 190 sont sans activité, 94 sont des chefs d’entreprises, 284 sont issus de l’enseignement, 22 sont des avocats et quatre huissiers notaires.
On est bien loin, constatent certains observateurs, de la prééminence de juristes, de médecins et autres représentants des professions libérales qui constituaient le plus gros du contingent des anciens hémicycles.
Résultat : le discours des nouveaux candidats a autant surpris que déçu. Certains ont plaidé, dans une sorte de cacophonie générale, dans leurs programmes, leur volonté de décriminaliser l’usage des drogues douces, d’autres réclament, à tout va, de l’emploi, des hôpitaux et même la création de nouveaux pôles universitaires.
Sur les réseaux sociaux, certains ont réussi à faire le buzz, par leur comportement on ne peut plus singulier. Tel fut le cas d’un candidat qui a sillonné la Marsa (banlieue nord de Tunis) vêtu de l’habit traditionnel des cavaliers du “Zlass”. Son camouflage n’est pas passé inaperçu, puisque les habitants ont réussi à identifier l’huissier qui, en 2012, avait été derrière la fermeture d’une exposition d’arts plastiques au palais Abdallia, jugée contraire à la morale islamique.
Tel fut également le cas de ce candidat de Béja (nord-ouest) qui a choisi de saluer la foule depuis une limousine à toit ouvrant, à la manière du leader Bourguiba.
En attendant le jour J, organisations et associations ont pointé la mauvaise gestion, par l’ISIE, du processus électoral tant dans la conception du calendrier que dans sa mise en œuvre.
L’ISIE avait décidé de faire cavalier seul et de surveiller elle-même les médias pendant la campagne électorale. Une décision totalement rejetée par la HAICA (autorité de l’audiovisuel) qui a fait part de son intention de déposer une plainte près du Tribunal administratif que par le syndicat des journalistes qui l’avait jugée “hâtive” et “capricieuse” considérant qu’elle s’inscrit dans une série d’erreurs graves commises par l’instance électorale.
hn