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Crise socio politique de 2002 : 20 ans après, des acteurs de la société civile proposent des solutions pour reconstruire la cohésion sociale

La Ligue ivoirienne pour la paix, l’éducation et le civisme( LIPEC) a organisé la deuxième édition de sa traditionnelle conférence annuelle sur la paix et la cohésion sociale, le samedi 12 novembre 2022 à Abidjan. « Côte d’Ivoire : 20 ans après la crise de 2002, quelles leçons à tirer pour consolider la cohésion sociale », tel était le thème de cette rencontre qui a réuni plus d’une cinquantaine de participants. 

L’occasion a été saisie pour porter des réflexions sur le tissu social ivoirien déchiré en 2002 par une rébellion armée. Laquelle rébellion a conduit le pays dans une pschochose de méfiance totale, fragilisant ainsi la paix et la cohésion sociale. Depuis lors, malgré les multiples initiatives pour colmater les brèches, la confiance peine à se réinstaller entre les citoyens. Et pourtant, il faut tirer les leçons de ce passé douloureux et avancer. C’est dans cette dynamique que LIPEC a jeté les pieds dans les plats en invitant des universitaires, membres de la société civile etc à se prononcer sur la question. 

Développant le sous thème « Côte d’Ivoire, un passé douloureux à solder ? », le Professeur Moritié Camara, enseignant chercheur d’Histoire, a expliqué que les causes des crises socio politiques en Côte d’Ivoire relève de la structure mentale de l’Ivoirien. Selon lui, de 1990 jusqu’à ce jour, l’Ivoirien a une mauvaise pédagogie de la démocratie, et surtout adepte de la personnification et l’impunité politique. « (..) Nous avons gardé les dispositions du parti unique jusqu’à l’ère du multipartisme. Ce qui fait que nous avons un déséquilibre criard qui fait que le président de la République est tout puissant… Et l’exécutif incarne à lui seul toutes les fonctions de l’Etat : fonction d’Exécution, législative et de police », a-t-il fait observer. A cela , il ajoute l’architecture institutionnelle, le manque de sens d’État de droit et la nature de l’Etat lui-même, etc. « Tant que notre approche du multipartisme et des événements qui ont précédé ne vont pas différer de toutes ces structures mentales, institutionnelles , nous aurons toujours à déplorer des morts… Il faut que nous soyons témoins d’un passage normal de relais entre un président qui finit son mandat et celui qui arrive », a insisté le Professeur Moritié.  

De son côté, Agnès Kraidy, journaliste et présidente du Réseau des femmes journalistes et des professionnelles de la communication de Côte d'Ivoire (REFJPCI)[, s’est exprimée sur « De la rébellion à la crise post-électorale de 2010 : quelles leçons en tirer du passé ? » . Elle a déploré une dégradation évidente des mœurs à l’avènement de la crise de 2002. La journaliste a dénoncé ce qu’elle appelle une « d’échéance morale » de la jeunesse, sûrement due à leur engagement excessif dans cette crise.

«Nos enfants ont perdu leurs repères, ils n’ont plus de modèles, ils n’ont plus de valeurs, parce que les rôles ont été inversés(…) L’argent qui devrait être un moyen de vie est devenu un objectif principal pour eux . A tel enseigne qu'il n’a ni odeur, ni couleur, ni origine ; et est devenu l’essentiel de leur vie », a martelé Mme Kraidy, pointant du doigt le manque de responsabilité des parents. Et l’école ivoirienne qui devrait aider à améliorer cette situation est, pour elle, dans l’incapacité de proposer des solutions efficientes ; afin de former de bons citoyens. Sans manquer d’inviter les jeunes à plus de responsabilité dans son engagement politique.

Pour restaurer la confiance perdue et le tissu social déchiré, Armand Gohi, président de la Garde citoyenne, préconise de reconstruire la relation entre l’Etat et les citoyens. Il suggère, à travers la thématique « l’Etat et les citoyens : une relation de confiance à reconstruire ? », un changement de régime présidentiel à un régime parlementaire, la réforme du système électoral, la redevabilité et la qualité de services publics, etc.

« Il faut une invitation dès élites et des intellectuels dans l’arène politique, parce qu’ils ont laissé le champ politique entre les mains des politiciens, alors que c’est l’affaire de tous », a-t-il soutenu.

C’est pourquoi, le directeur exécutif de LIPEC Gnamien Attoungre, a jugé d’une grande importance de parvenir à une cohésion sociale et une paix durable pour le bien-être de chaque citoyen, lors de son discours inaugural. Car au final, pour avancer « il nous faut résolument faire le catharsis de la société ivoirienne », a-t-il indiqué. Après avoir dénoncé la mauvaise utilisation du concept de l’ivoirité, des discours identitaires et religieux qui ont contribué au déchirement du tissu social.

Les perspectives de LIPEC en 2023 se résument à l’organisation de la tribune de débat « Garba politique », un séminaire de réflexions, les journées JCP( journées du civisme et de la paix), des actions de sensibilisation sur les violences électorales, etc.

 

 

Auteur: Daniel Coulibaly