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Liberté d’expression en ligne-Adou Richard(Procureur) prévient : « (…) tous ceux qui diffusent de fausses informations, nous avons la possibilité de les retrouver…»

La 6è session de formation en droit international des droits de l’Homme organisée par la Fondation Friedrich Naumann et ses partenaires le conseil national des droits de l’Homme (CNDH) et la fondation René Cassin, a pris fin par une conférence du Procureur de la République Adou Richard Christophe, le samedi 29 octobre 2022, à Abidjan.

Très critiqué par une frange de l’opinion nationale, et surtout une majorité des internautes ivoiriens, le Procureur Adou Richard a saisi cette tribune pour éclairer la lanterne de tous. Il s’est appuyé sur la loi fondamentale ivoirienne, la Constitution en son article 19 et bien d’autres textes internationaux, pour justifier ses actions et ses décisions judiciaires dans l’exercice de ses fonctions. « (…) chacun a le droit d’exprimer et de diffuser librement ses idées. Ces libertés s’exercent sous la réserve de respect de la loi, des droits d’autrui, de la sécurité nationale et de l’ordre public…», a précisé le Procureur, qui se prononçait sur le thème : « Liberté d’expression à l’air du numérique : opportunités, menaces et défis ». Et d’insister : « Il est possible d’exprimer ses opinions, mais il ne faudrait pas que cela heurte la loi » « tout comme, il n’y a aucune obligation à publier des contenus sur les réseaux sociaux ».

Selon lui, si un contenu est diffusé sur internet, sans vérifier sa véracité et qu’on le relaie et par la suite il y a trouble à l’ordre public, l’on tombe sous le coup de la loi. Par contre, si c’est une information vraie ; il n y a aucun problème.

«(…) la prévention et la dissuasion de l’incitation au terrorisme dans l’intérêt de la sauvegarde de la sécurité nationale et de l’ordre public constituent des motifs légitimes de limitation de la liberté d’expression, tels que visés au paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques » a-t-il clarifié.A2

Le Procureur Adou Richard a dit être sur tous les réseaux sociaux tels que facebook, Twitter, Instagram, WhatsApp, Tik Tok etc. « Et c’est vrai quand je dis cela, parce qu’il y a une veille numérique en Côte d’Ivoire et cette veille numérique est assurée par la direction de l’informatique et des traces technologiques. Elle surveille tout ce qui se dit et se fait sur les réseaux sociaux. Dès lors que quelqu’un commet un acte contraire à la loi, elle se charge déjà d’identifier et d’interpeller la personne, avant même de m’appeler. Et tous ceux qui sont sur le territoire national et qui diffusent de fausses informations, nous avons la possibilité de les retrouver un jour ou l’autre », a-t-il prévenu.

Le Procureur a soutenu qu'avec l’avènement du numérique, les réseaux sociaux constituent une plateforme d’expression incontournable pour les citoyens, les parties politiques et même des entreprises. Ils offrent également de nouvelles opportunités dans le domaine de la mise en œuvre effective de la liberté d’expression. Et c’est bien d’en profiter que de vouloir l’utiliser à des fins malsaines. Il a cité, parmi tant d’opportunités, le renforcement des liens sociaux entre des communautés, un atout pour la démocratie, un lieu d’échanges pour organiser des actions communes, un vecteur d’accélération de l’information, un moyen d’accroitre sa clientèle pour une entreprise etc.

Mais, il ne faut pas se voiler la face sur les menaces qu’il peut avoir dans la liberté d’expression sur internet. Car le numérique engendre de nombreuses problématiques à la lumière des paroles désobligeantes et dégradantes que des individus formulent derrière leur écran.

« Le numérique peut être un vecteur de discrimination, un canal d’invitation à la haine, à la violation de la vie privée, etc », a fait savoir le Procureur, ajoutant à cela d’autres menaces telles que les infractions en ligne liées à des contenues illicites par des journalistes, le dénigrement d’une marque, d’une raison sociale ou d’un nom commercial ; la représentation de la pornographie infantile, le racisme ou la xénophobie, l’utilisation à des fins terroristes etc. « Les amendes oscillent entre 1 à 40 millions FCFA et les peines encourues de 1 à 10 ans », a précisé le Procureur de la République.

D’où la nécessité des défis qu’il y a à relever pour une utilisation efficiente des réseaux sociaux. Pour ce faire, il faut la sécurité des médias et des journalistes, l’accès à l’information officielle détenue par les autorités publiques, garantir l’accès à internet, la lutte contre les fake news ou la désinformation, la mise en place d’un environnement favorable au débat public et pluraliste, l’éducation des internautes aux médias. « Il y a lieu de promouvoir l’éducation aux médias pour lutter contre la désinformation, de mettre au point les outils qui aideront les utilisateurs et les journalistes à contrer la désinformation, de sauvegarder la diversité et la viabilité des médias d’informations classiques, notamment la presse, de poursuivre la recherche sur l’impact de la désinformation en ligne etc. », a-t-il proposé.

M. Adou a laissé aussi entendre que : « La protection de la liberté d’expression exige que chaque Etat crée un environnement propice ou favorable, c’est-à-dire la participation au débat public de toutes les personnes concernées, leur permettant d’exprimer sans crainte leurs opinions et idées, même si celles-ci vont à l’encontre de celles défendues par les autorités officielles ou par une partie importante de l’opinion publique voire sont irritantes ou choquantes pour ces dernières toujours dans le strict respect des lois de la République ». Sans manquer d’inviter les géants du numérique, qu’il appelle GAFAM (Google, Amazone, Facebook, Apple et Microsoft) ayant un contrôle quasi monopoliste sur la circulation de l’information et de données personnelles, à fixer des règles communes d’utilisations et des codes de principes d’éthique et de bonnes pratiques etc.

« (…) Il est donc nécessaire d’encadrer légalement la liberté d’expression dans le partage de contenus effectués par ce nouveau d’expression. C’est bien à ce prix que le droit à la liberté d’expression, tirera le meilleur profit du numérique, ainsi que de toutes les opportunités offertes », a conclu le Procureur Adou Richard Christophe.A4

Pour rappel, la 6e session de formation en droit international des droits de l’homme a duré une semaine ( du 24 au 29 octobre), au cours de laquelle 52 auditeurs (avocats, des militants des droits de l’homme, magistrats etc) ont renforcé leurs capacités grâce 9 enseignants (Français, Ivoiriens et Béninois). 37 d’entre eux sont repartis avec un certificat de fin de formation octroyée par la fondation Réné Cassin, et 15 avec une attestation de participation etc. Le major de la promotion ira en France à la fondation Réné-Cassin (Strasbourg) pour une formation en droit international. Cette 6e session avait pour thème : « liberté d’expression et de réunion pacifique ».

 

Auteur: Daniel Coulibaly