Une vingtaine de journalistes ivoiriens ont bénéficié d’une formation sur « la liberté d’expression et de réunion pacifique », le mercredi 26 octobre 2022. Cette séance de renforcement des capacités des hommes de média s’inscrit dans les activités de la 6e session de formation en droit international des droits de l’Homme à Abidjan du 24 au 29 octobre, initiée par la Fondation Friedrich Naumann et ses partenaires la Fondation René Cassin et le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH).
L’objectif était d’instruire les journalistes sur cette thématique qui relève aussi de leur responsabilité dans l’exercice de leur métier.
Selon Mme Sangaré Namizata, la présidente du CNDH, la liberté d’expression et de réunion pacifique sont des leviers capitaux pour la consolidation de la démocratie. Dans cette dynamique, plusieurs actions ont été menées pour la promotion et la protection des droits de l’Homme en Côte d’Ivoire, afin d’éviter les violations de ces droits inaliénables, surtout la liberté des journalistes. Elle a cité les instruments juridiques (les textes) nationaux et internationaux qui protègent les hommes de médias, à savoir la Constitution en son article 9, 10, 11, 20 et 21, la loi de 2004 sur la presse, la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples etc. Sans manquer d’associer les mécanismes nationaux et internationaux (les entités) : le Haut commissariat aux droits de l’Homme, la Cour africaine des droits de l’Homme, l’ANP, la HACA, le CNDH... Nous veillons au respect « de la liberté d’expression et de réunion pacifique en faisant la Promotion, la Protection et le Plaidoyer ou la Prévention » pour tous les citoyens, a-t-elle soutenu. En outre, la présidente du CNDH a confié que le Conseil peut s’autosaisir pour faire lever des restrictions à la lumière de la loi. Avant d’indiquer que 306 cas de restrictions de liberté (des plaintes en cours de traitement) ont été enregistrés de 2020 à 2022. Il s’agit, entre autres, du collectif des docteurs non recrutés, de syndicalistes, du cas Pulchérie Gbalet, le cas du journaliste Téhin Barthélemy du journal le Panafricain, le collectif des licenciés du quotidien Le Nouveau Réveil etc. Mme Sangaré a invité les journalistes à saisir le Conseil pour tous cas avérés de restriction de liberté d’expression ou de réunion pacifique sur le territoire national. Répondant à une question relative à la présence du président de la République au sein d’organismes de la presse tels que la HACA et l’ANP à travers un représentant, elle a suggéré aux journalistes de faire un plaidoyer pour changer la donne; s’ils estiment que ce n’est pas la bonne manière. « Si vous ne voulez pas de la présence du président de la République dans un organisme de la presse, faites un plaidoyer dans des termes respectueux des droits de l’Homme pour que ça change », a-t-elle laissé entendre, ajoutant que le respect des droits de l’Homme relève de la responsabilité de chaque citoyen, et non seulement de l’autorité publique.
Pour Sébastien Touzé, directeur de la Fondation René Cassin, la liberté d’expression est générale et obéit aux mêmes principes que la liberté de réunion pacifique, parce qu’étroitement liés. «C’est le chien de garde de la démocratie », qui est l’acceptation dans une société, une pluralité d’opinions et faire en sorte que celle-ci s’exprime librement », a souligné M. Touzé. Il a insisté pour dire que tout individu qui s’exprime ou fait une manifestation ne doit pas craindre pour ses opinions voire sa vie, parce que l’État doit veiller au respect de cette liberté fondamentale.
Cependant, la liberté d’expression n’est pas absolue. Car les autorités d’un pays peuvent prendre des mesures, dans certains cas, pour la restreindre. « On ne va pas pouvoir tout dire ou tout transmettre si d’aventure cela déstabilise le débat ou remet en cause un certain nombre de règles et de principes. Toute information doit être diffusée, mais il faut s’interroger si cela va nourrir le débat public », a-t-il justifié. Et d’insister : « On ne peut pas par la liberté d’expression atteindre le droit d’autrui (Ndlr : sa réputation doit être respectée), quand il faut exercer soi-même ses droits ». La question qu’il faut se poser, selon lui, c’est : « Est-ce que, ce que je vais dire ou écrire va nourrir le débat public ? ». « Le discours raciste, le discours négationniste etc ne peuvent pas être protégés par la liberté d’expression », a fait savoir le directeur de la Fondation René Cassin.
Sur la liberté de réunion pacifique, pour lui, c’est la liberté de manifester, de s’associer ou pas et la liberté syndicale. « La possibilité de se réunir, c’est en vue de nourrir le débat démocratique et consolider les assises d’une société démocratique, reposant sur la libre expression des idées et convictions. Sans liberté d’expression, et sans liberté de réunion ; il n’y a pas de véritables sociétés démocratiques », a clamé le Professeur Sébastien Touzé. Qui estime, encore une fois, que cette liberté ne doit pas porter atteinte à l’ordre public ou à la sécurité publique, d’où les mesures d’autorisation préalable pour son usage.
Joachim Holden, directeur Afrique de l’Ouest de la Fondation Friedrich Naumann, a relévé le caractère judicieux de cette rencontre avec les journalistes, qui va contribuer au débat démocratique. Saluant à l'occasion cette 6ème session de formation en droit international « un exemple de coopération internationale » entre une fondation française et allemande avec des partenaires locaux, en vue de la promotion des droits de l’Homme.
Notons que la 6ème session de formation en Droit international des Droits de l'Homme ouverte le lundi 24 octobre dernier, a pour thème : «Liberté d’expression et de réunion pacifique : quelle situation en Côte d’Ivoire ? ». 67 auditeurs issus de 11 pays participent à cette session d’Abidjan.
Auteur: Daniel Coulibaly